Ce disque est un des plus hallucinants albums de métal progressif qu'il nous ait été donné d'entendre ! Une fois n'est pas coutume, le terme de progressif est ici parfaitement justifié, « Burn The Sun » étant aventureux, expérimental, surprenant et, au sens premier du terme, extra-ordinaire.
Les deux initiateurs de ce projet malheureusement éphémère (un premier album éponyme en 2000, moins marquant) sont Tore Ostby (guitare, ex-Conception) et John Macaluso (batterie, ex-TNT). Le reste du groupe a claqué la porte de la tournée du Yngwie Malmsteen's band et s'est libéré au bénéfice d'Ark en cettte année 2001-2002 (une tournée en France, voir plus bas) : Mats Olausson, clavier ici assez discret, Randy Coven à la basse et Jörn Lande au chant. Les prestations de ces deux derniers sont proprement impressionnantes.
Randy Coven, armé de basses fretless, à manche 36 cases, ou encore avec vibrato ( !), pose des parties de basses très libres, très techniques, avec des prouesses constantes, tels ces slides avec la paume de la main droite sur « Torn », cette sorte d'impro hystérique sur le même « Torn », un nouveau déluge de fretless sur « Resurrection », une ligne de base ronflante sur « Missing You », ou encore du tapping à deux mains en de nombreux endroits.
Jörn Lande, chanteur multicartes (Masterplan, Beyond Twilight, Company Of Snakes…), se livre à une performance de véritable génie vocal sur la totalité du disque. Il utilise indiféremment une voix puissante (« Heal The Waters »), chargée d'émotion (un « Resurrection » et surtout un « Missing You » à pleurer) ; il se lance dans des expérimentations surprenantes (un scat improbable et halluciné sur « Torn », une véritable imitation de Björk sur les couplets de « Absolute Zero »), sans oublier de délivrer des refrains imparables (« Burn The Sun », « Absolute Zero », le très pop « Just A Little »).
Nous ne pourrons faire l'impasse sur le batteur, John Macaluso, véritable moteur des morceaux, qui s'octroie par exemple l'intro de « Heal The Waters » et de « Resurrection », ou encore un long break presque jazzy sur « Burn The Sun », ni sur l'excellent guitariste Tore Ostby. Ce dernier se montre très heavy la plupart du temps, jouant des rythmiques tortueuses, complexes, bourrées d'aller-retours ou d'harmoniques artificielles, mais aussi des solos à la fois supersoniques et mélodiques. Il sait également varier les ambiances avec plusieurs passages de guitare espagnole, sur « Resurrection » ou sur l'extraordinaire fausse ballade « Just A Little », qui allie un refrain presque dansant à des descentes de gammes jouissives, souvent à l'unisson d'ailleurs avec les trois autres instruments ! Tore Ostby nous gratifie enfin de deux solos incroyables de feeling sur « Missing You » : le premier avec un son de Fender Stratocaster très crunchy, avec un toucher digne de David Gilmour ; le second plus saturé, dans des sonorités rappelant, toujours, Pink Floyd, en particulier sur l'album « A Momentary Lapse Of Reason ».
Cet album possède toutes les qualités qui font les très grands albums : de bons musiciens, des mélodies imparables, des morceaux inventifs et surprenants : ah, la rupture avec la pièce de monnaie tombant sur une table dans « Heal The Waters » ! Il mériterait certainement la note maximale si les trois titres « Waking Hour », « Feed The Fire » et « I Bleed » étaient aussi prenants et originaux que leurs congénères.
Notons enfin qu'Ark a gratifié la France d'une tournée en 2001. Si les musiciens étaient impeccables et impresionnants, trois éléments ont empêché ces concerts d'être réellement exceptionnels : le manque de communication et de jeu de scène des musiciens ; le manque d'unité entre le maquillage black métal anachronique de Jörn Lande, le « dandy » Tore Ostby et la dégaine ringarde de Randy Coven (« mullet », gilet en cuir moulant sur un torse nu, grosse chaîne au ceinturon et attitude très pro-américaine) ; et, enfin et surtout, le contraste avec les fous furieux de Feak Kitchen qui se sont mis le public dans la poche en première partie sur chacune des dates !
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