J’ai découvert le groupe Benighted comme souvent ça m’arrive, au hasard de rencontres. Cette fois la rencontre a eu lieu sur le forum Anoraks….. Après l’écoute d’un seul morceau où je n’avais pas été très convaincue, j’ai par la suite entendu l’album en entier et là, « la chose » a pris toute son ampleur.
Suite à des échanges via le forum et en découvrant le métier exercé par le chanteur du groupe, une idée a germé… Mais cela fut long et pas aussi simple à mettre en mots que je l’avais cru dans un premier temps. C’est la « xième » relecture du livret qui me donna enfin le fil conducteur. Le temps de tout mettre en place, de trouver un créneau dans l’agenda fort chargé du jeune homme, et après un 1er rendez vous manqué suite à une aphonie sévère (le comble pour un chanteur de métal extrême :o), voici le résultat de ma conversation téléphonique avec un garçon absolument adorable ! :o) Enjoy !
Interview autour de “Identisick” la 4ème rondelle du groupe et plus spécifiquement de ses lyrics pour le moins originaux et « mentally oriented ».
Lothian : Bonjour Julien, merci de me consacrer un peu de temps. Cette interview est une première pour moi. Alors merci de ton indulgence… Pour commencer, peux-tu te présenter et présenter le groupe Benighted stp ?
Julien Truchan : Et bien, je suis le chanteur de cette formation extrême, je suis un des membres fondateurs du groupe. Benighted existe maintenant depuis 8 ans, nous avons quatre albums à notre actif, dont le petit dernier en date : « Identisick » qui vient de sortir chez Adipocere Records. On a écumé pas mal de scènes depuis nos débuts, et acquis peu à peu une place au sein du métal extrême français dont nous sommes fiers et que nous nous efforçons de défendre avec le plus de hargne possible. On a partagé l’affiche avec de nombreuses pointures internationales (Note de Lothian : Nile, Morbid Angel ou encore Slipknot et Impaled Nazarene…), et on est en ce moment en pleine promotion et tournée pour le nouvel album, afin de faire découvrir notre musique au plus grand nombre.
L : Je crois qu’il y a eu un changement dans le line up récemment ?
JT : En effet, nous avons dû récemment nous séparer de Fred, notre batteur, qui a pris la décision de quitter le groupe pour des raisons personnelles. Cette séparation s’avérait néanmoins nécessaire, et nous lui souhaitons bonne chance pour la suite, nous gardons d’excellentes relations avec lui. C’est Kévin qui a pris le poste de batteur peu après le départ de Fred, et ce petit prodige de 18ans nous a montré très vite ses qualités de musicien et sa motivation pour intégrer le groupe. C’est une machine de guerre qui va vous montrer l’étendue de ses talents sur les prochaines dates. Il a fait ses preuves lors des derniers concerts et le line up est maintenant tout à fait équilibré.
L : Je vois que les lyrics et la musique sont signés Benighted, mais du fait du contenu des textes, qui écrit le plus gros des paroles ?
JT : En fait, je suis le seul à écrire les textes dans le groupe. Le thème de la psychiatrie est le concept de base du groupe, et si le nom du groupe est une métaphore pour souligner la tombée dans la maladie psychotique, le nom du dernier album est la constriction de « Sick identity ».
L : Hors ton activité de musicien, tu exerces un métier relativement difficile, puisque tu es infirmier en psychiatrie. Ton dernier album est comme le précédent (« Insane Cephalic Production » - 2004) inspiré de ton expérience personnelle. Est-ce que l’écriture de tels textes est pour toi une façon d’évacuer le stress et peut-être aussi la violence psychique que peut apporter ce métier ?
JT : Tout à fait ! Non seulement, c’est un super exutoire pour relâcher toute la pression et le stress que j’accumule au boulot, mais en plus, il me permet de proposer au sein du groupe un concept avec une approche de la maladie mentale beaucoup plus réelle et concrète que ce qu’on peut voir dans les paroles de beaucoup de formations extrêmes. Tous les textes sont inspirés de faits réels, et non pas de mauvais films d’horreur.
L : En lisant paroles de la chanson « Nemesis » j’ai été très frappée par les dernières lignes de la chanson :
" Such a violence in a room is very impressive, Smashing her face on the walls, A disconnected woman "
Si j’ai bien compris, tout ce qui précède décrit ce qui ce passe dans la tête de cette femme ?
Est-ce que cela s’apparente à un trouble psychiatrique précis ou il y a une part d’imaginaire ?
JT : En fait, il s’agit d’une femme souffrant de psychose hallucinatoire chronique, envahie par la culpabilité et qui retranscrit sa souffrance à travers le visage d’une femme investie de la mission de juger les vivants avant leur trépas et leur infliger un châtiment approprié. Tout ce qui est dit dans le morceau se passe effectivement dans son imaginaire et se manifeste par une grande violence et des comportements d’automutilation. Je ne peux pas te donner plus d’infos par rapport au secret professionnel.
L : Ne sachant pas exactement ce que représente Némésis j’ai fait une recherche sur le net et je suis tombée sur ce texte qui décrit un rituel : « la conjuration de Némésis », un genre d’exorcisme non catholique en quelque sorte. J’ai été frappée par la description de cette « possession » et surtout par le rituel de libération qui ressemble fort à une psychothérapie. J’ai surligné certaines phrases troublantes.
Est ce que tu peux commenter s’il te plait ce texte vs les paroles de ta chanson, qui exprimées différemment, s’en rapprochent quand même pas mal ?
« Dans ce rituel, la divinité grecque Némésis, une déité du fatum (destin) et de la vengeance, est considérée selon le rôle d’opposé complémentaire de l’ego, se rapportant à l’être intime comme centre des deux personnalités. Des habitudes et des actions prises envers les désirs réels créent des opposés de même intensité et par là forment une anti-personnalité de l’ego, qui en ce cas est identifiée avec le principe de Némésis. Des perturbations sur un plan de la réalité dues à des actions contre ses désirs subconscients peuvent être éliminées par un rituel d’union avec cette sœur-démon, ce frère-démon personnel et permettre à chacun d’atteindre son Ami intime. L’effet de ce rituel, s’il est pratiqué correctement, serait fatal par définition. Par conséquent, l’opération est strictement limitée à la partie de la psyché que le magicien désire explorer.
Un sigil représentant cette portion de la psyché est activé avec force durant le rituel afin que le magicien puisse chercher des réponses à son problème résidant au sein de la partie choisie de sa personnalité. Aucun désir ou vœux spécifique ne peut être utilisé pour ce but. C’est une restriction nécessaire afin d’éviter d’être submergé par des effets indésirables. Le magicien devrait être conscient de cela lorsqu’il fabriquera le sigil ».
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JT : Ce texte semble exprimer le combat intérieur de tout un chacun avec ses interdits et la gestion de sa culpabilité lorsqu’il franchit cet interdit. Il est présenté sous une forme mystique dans ce que je viens de lire. Le clivage au sein d’une même personne entre deux entités, une qui commet et une qui condamne, est la même que celle que j’utilise dans ce texte. Simplement, comme il s’agit de délire psychotique dans le morceau, cette séparation n’est pas marquée de manière franche et la femme en question passe de l’un à l’autre dans une confusion délirante où elle est tour à tour bourreau et victime.
L : Je suis très loin d’être une experte en maladies mentales, mais à travers certaines chansons j’ai cru en reconnaître quelques unes. Dis moi si j’ai vu juste (Précision pour le lecteur : ce n’est pas un jeu) et commente, via ton expérience professionnelle et/ou ton vécu :
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« Collapse » : Alzheimer ?
JT : Il ne s’agit pas tout à fait de cette maladie, mais c’est un cas de démence sénile où la personne retrouve sa propre identité de jeune enfant dans une reconstruction délirante.
- « Identisick », « The twins » : schizophrénie ?
JT : Tout à fait, la dissociation et la discordance sont très marquées dans ces deux morceaux, même si « The twins » aborde l’histoire d’un schizophrène qui a une personnalité beaucoup plus marquée par des traits psychopathiques, et se sert un peu de sa maladie pour nier les évidences.
- « Ransack the soul » : alors là, j’ai un problème. Je pense à une femme qui aurait sombré dans la démence suite à un viol, mais je fais peut-être complètement fausse route ?
JT : Il s’agit en fait d’une névrose post-traumatique, effectivement consécutive à un viol, où la jeune fille refuse que quoi que ce soit rentre en elle, qu’il s’agisse d’eau ou de nourriture. Elle fait des cauchemars tournant autour de l’image du serpent, symbole de la sexualité, et subit de manière très violente les perfusions et la contention qui la protègent d’elle-même.
L : Dans toute cette violence mentale, où se situe Julien Truchan l’homme de tous les jours et Julien Truchan le musicien ?
JT : Ah ah !!! Ceux qui me connaissent, tant dans le milieu professionnel que privé vous dirons que je suis quelqu’un d’ouvert, très abordable et toujours de bonne humeur, ce qui tranche vraiment avec ce qu’ils voient après sur scène où je suis apparemment méconnaissable et plutôt effrayant. Ca me fait bien marrer d’avoir ces différentes facettes, ça surprend beaucoup de monde apparemment (rires).
L : On arrive vers la fin, alors une question me taraude. Comment arrives-tu à concilier ton métier d’infirmier et ton activité musicale ? J’ai pu noter que tu as été pas mal sur les routes ces dernières semaines (et ce n’est pas fini !), ça ne doit pas être simple à organiser tout ça...
JT : Effectivement, il est très difficile de concilier tout ça et ça demande pas mal d’organisation, surtout que je travaille un week end sur deux. Heureusement, j’ai des collègues très cool et compréhensifs qui m’aident à organiser mon planning en fonction des dates, j’en profite pour les remercier au passage.
L : Un grand merci à toi d’avoir répondu à ces quelques questions et rendez vous à Nice le 27 mai pour le "Tomawok Festival".
JT : Merci beaucoup à toi pour cette interview, c’est avec plaisir que je te retrouverai au concert à Nice !!!