Channels, c'est avant tout J. Robbins (ex-Jawbox, ex-Burning Airlines, producteur de Faraquet, Dismemberment Plan etc., membre émérite de la scène indie de Washington D.C. - Fugazi et les groupes précités entres autres…) au chant, aux guitares, aux claviers (discrets, occasionnels). Mais c'est aussi Darren Zentek (ex-Kerosene 454, ex-Oswego, deux autres groupe de DC produits pas J. en leur temps…) à la batterie et l'anglaise Jane Morgan (ex-Shonben que J. rencontra, alors en tournée avec Burning Airlines, et qui, plus tard, devint sa femme) à la basse et au chant. Channels, c’est un peu une famille…
Channels, c'est du rock mais pas seulement... De la pop mais pas seulement... C'est indé (DC sound diraient les spécialistes) mais il serait réducteur de n'en retenir que ça...
Channels, c'est la suite logique de Burning Airlines qui, eux-mêmes, étaient la suite logique de Jawbox parce que J. a de l'idée, de la personnalité. Waiting For The End Of The World creuse ainsi le même sillon que les anciens groupes de J.... On retrouve la rage contrôlé et power-poppisante de Burning Airlines (l'album Identikit vous est d'ailleurs chaudement recommandé !) avec, présence féminine dans les vocaux oblige, un côté plus "acidulé" pas sans rappeler Jawbox et sa (déjà !) bassiste/vocaliste Kim Coletta (sur le label de laquelle, De Soto, sortit le 1er Ep de Channels)... Un peu comme si J. avait pris le meilleur de son passé, un grand shaker, avait secoué bien fort et versé, incandescent, le mélange nouveau non sans y ajouter quelques nouvelles épices… Hé oui ! Quand J. a une idée, il ne l'abandonne pas si facilement !
Mais Channels c’est aussi un groupe en colère (une colère sourde parfaitement rendue par la musique), une colère contre une amérique médiatiquement déliquescente… Religieusement obscène… pas 1984 Mr Orwell, pire ! Mais, attention !, pas de ces colères gueulardes, racoleuses qui ravissent les adolescents avant qu’ils ne se ravisent… J. et ses alliés valent mieux que ça. Channels c’est aussi trois cerveaux et une éthique à toute épreuve (d’ailleurs le cd sort chez Dischord*, c’est dire !).
La mélodie n’est jamais absente chez Channels mais jamais terriblement facile non plus… Côté ressemblance on pourrait pêle-mêle citer un Pixies enfin adulte, une renaissance de la dernière période (épurée ) de Hüsker Dü, etc.… Une musique adulte, franche du collier mais pas frontale, servie de riffs comme on en entend pas souvent, lourd, sales, jamais anodins mais toujours mélodiques dans leur délicieux décalage. Les voix du couple, J & Jane (chabadabada, chabadabada), s’harmonisent savoureusement mais c’est celle de J. qui mène le bal (Jane étant tout de même plus qu’une simple choriste, une vocaliste d’appoint). Et une section rythmique ! Mes aïeux ! Sans chichi, sans fioriture, efficace comme la locomotive que tout section rythmique se doit d’être et sans banalité, sans cliché…
Vous comprendrez que cet album, un album qui se gagne, vous gagne, pas une fille de joie, et tout ce qui porte la griffe Robbins m’emballe. Cet Homme majuscule, jamais récompensé malgré un talent rare, trop honnête pour se MTViser, pas assez beau/facile aussi dans les cannons d’un Amérique superficialiste (néologisme, ta mère !) méritait ce coup de projecteur, pour modeste qu’il soit… A l’image de J., Channels, insidieusement laisse sa luminosité éclater, son intelligence éblouir… Channels, c’est le rock de l’Amérique qui pense, qui rage… Et qui pleure…
* : label indépendant fondé par Ian McKaye (Fugazi, Minor Threat)