Le plus souvent, la chronique d'un album de Garbage commence ainsi : « … ce groupe monté de toute pièce par quelques requins de studio américains dont Butch Vig, le producteur du « Nevermind » de Nirvana, et drivé par la chanteuse Shirley Manson, écossaise enrôlée pour son sex-appeal frondeur garantissant une rotation intensive sur MTV… »

Gggrrrr !!! Pourquoi faut-il toujours s'en référer aux clichés les plus éhontés, continuer à véhiculer de telles fausses vérités (remarquez, sur ce coup, j'y participe aussi !) ? N'y a-t-il qu'une « bonne » manière de créer un groupe ? Les qualités de Garbage n'ont-elles pas été maintes fois démontrées par le passé ? L'impression peut même être donnée que les membres du groupe vivent particulièrement mal ce type de déclarations tant ils s'étonnent eux-mêmes de continuer à faire vivre ce groupe unique, pratiquement incopiable.

En effet, dès leur premier et irrésistible album éponyme en 1995, le style déployé est d'une originalité à toute épreuve. Sublimes mélodies pop (que d'épisodiques versions acoustiques live viennent conforter dans leurs fondations) divinement arrangées (certains diraient sur-arrangées) à grand renfort d'effets de manches numériques. Une plénitude exposée sur le parfait « Version 2.0 » de 1998.
Un « Beautiful Garbage » plus tard, la remise en question est importante. Ce dernier album fut un relatif échec, commercial et surtout critique. Si les sublimes « Cherry Lips » et « Androgyny » sont plus que du niveau des merveilles passées, le reste est peu ou prou une jolie soupe indigeste et auto-complaisante de tentative avortée de passage à un âge adulte galvaudé et insignifiant. C'est l'inévitable crise interne : on pose tout à plat et on recommence.

Voici « Bleed Like Me », quatrième œuvre dégraissée (quoique…), beaucoup plus simple et radicale. Vous savez, le coup du retour aux racines, l'album live en studio… :o)
Le plus important est bien que cela fonctionne ! Carrément !
Car si tout ceci est en effet beaucoup plus direct qu'à l'accoutumée (la production reste impressionnante tout de même !), Garbage nous rappelle tout simplement à quel point ils sont bons compositeurs !
Les guitares en avant, inutile de tourner autour du pot : « Run Baby Run » et « Why Do You Love Me » sont les singles de l'année !

« Bad Boyfriend » décolle la tapisserie avec son rythme signé Mr Dave Grohl ! Les ballades restent du calibre des « Milk » et « You Look So Fine » passés : le mea-culpa de « Bleed Like Me » et surtout « It's All Over But The Crying »… du travail d'orfèvre, une vraie dentelle vibratoire. Le triptyque final enfin, de quoi se transformer en véritable kangourou : « Boys Wanna Fight » (les histoires de Girls et de Boys perturbent toujours la miss…), « Why Don't You Come Over » et l'aventureux et très réussi « Happy Home » final, tout en « Power Chords sur croches » !

Il serait vraiment temps de prendre ce groupe au sérieux !