Vous vous souvenez peut-être de cet onirique clip de Blur (« Coffee + TV ») à la fin duquel deux touchantes briques de lait s’envolent vers le pays merveilleux de la crémière céleste ? Et bien c’est un peu ce qui arrive aujourd’hui au gang barbu de Modesto, à l’image du verso de la pochette, de laquelle le groupe, en médaillon ailé, semble nous adresser un ultime clin d’oeil…
Et c’est la mort dans l’âme que l’on pose cette dernière galette sur notre platine. En priant pour un futur retour solo (au moins !) du sieur Jason Lytle (après tout, et on le voit encore ici, Grandaddy, c’est surtout lui)…
Usure, manque de reconnaissance, de succès, problèmes relationnels… Le résultat est identique même si on se consolera de les voir quitter la scène avec une aura quasi-immaculée plutôt que d’oeuvrer pour une déliquescence annoncée…
Seulement voilà, en dépit du « choc » (tout est relatif) de la perte des ces constructeurs de cathédrales pop et vaporeuses en allumettes, un constat s’impose :
Un constat déjà ébauché à la sortie, l’an passé, du ep « Excerpts from the diary of Todd Zilla ». La spontanéité n’est plus guère de mise. Cela sent la recette. Oh, une recette toujours aussi miraculeuse et unique ! Un château branlant de délicatesse. Au bord de la rupture. Mais conférant régulièrement au génie (« The Sophtware Slump », tout simplement un des meilleurs albums de ces 15 dernières années, voire un des meilleurs albums tout court) !
La première tentation est surtout de n’y voir qu’un condensé de « carrière ». « Summer… It’s Gone » est sympathique mais il manque peut-être le « je n’sais quoi » qui empêcherait le morceau de ressembler à une face B de « Sumday », le précédent album, magnifique collection intouchable de titres transparents et imposants, l’aspect « psyché-prog » de « Sophtware » en moins. « Guide Down Denied » procure le même sentiment mais vis-à-vis de « The Sophtware Slump » cette fois-ci. Les envolées synthétiques. La glorieuse non-chalance. L’effet de surprise en moins… Pour « 50 % », c’est la résonance des premières années, plus contrastées, chaotiques. Celle des premiers eps et singles… Tout était déjà là. Plus ou moins latent. C’est ce qui est toujours sidérant avec les grands groupes. Surtout rétrospectivement…
Et puis, heureusement, il y a le dernier quart du disque…
Quart qui laisse entrevoir les possibilités inexploitées, car il en restait ! Un dépassement de « Sumday », en plus ludique, moins cérémonieux. « Elevate Myself », « Disconnecty », l’instrumental « Skateboarding Saves Me Twice » un peu avant. Et puis un splendide final, touchant, à l’image du groupe. Il est rare de pouvoir présenter et célébrer un dernier album comme tel. Grandaddy en a eu l’occasion. Profitons-en pour clamer à nouveau haut et fort à toutes et à tous quel grand groupe il fut. Même s’il est désormais trop tard…
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