Depuis la reformation de 1999 avec Bruce Dickinson et Adrian Smith, Iron Maiden est d'une stabilité redoutable. Et ce, sur tous les plans ! Des concepts systématiquement parfaitement établis, des concerts tout autant étudiés, un producteur (Kevin Shirley) qui semble désormais inamovible recréant pour le combo un son parfait, clair & puissant tout en restant identifiable mais moderne... et l'on pourrait ainsi continuer longtemps ! Sans oublier le plus important: la spectaculaire qualité des albums studio proposés ! Bien sûr, cela n'est pas vraiment une surprise, la vierge de fer ayant toujours été au sommet d'un genre qu'elle incarne plus que jamais. Le heavy-metal ! Tout simplement et définitivement. Chacun des albums passés a toujours su apporter son lot de surprises, de directions différentes (mais cohérentes). N'en déplaise aux sourds. Les déceptions furent rares pour ne pas dire inexistantes, le pourtant inexplicable "Virtual XI" !!!
Troisième album post-"mise au point définitive", donc. C'est qu'il faut réitérer l'exploit, s'installer à nouveau, au delà de la joie et de l'effet de surprise. Ne plus faire douter. Voire combler !
"Brave New World" fut acclamé tel un digne successeur aux albums considérés (à juste titre) comme les plus mythiques par ceux qui n'ont pas toujours donné toutes leurs chances aux oeuvres "1990-1998". "Fear Of The Dark" demeure pourtant un des plus gros succès du groupe et "The X Factor" serait peut être le meilleur Maiden si Blaze Bailey n'y chantait pas... Ambiance...
"Dance Of Death" fut étrangement un poil décrié alors que je reste persuadé que si nous inversons "BNW" et "DOD", les commentaires seraient pareillement opposés. Ce qui serait sûrement juste pour d'autres albums. Inversons "Killers" et "No Prayer For The Dying"... Ce dernier serait indéniablement considéré comme culte, s'il était sorti au début des années 80, je n'en doute pas... Si l'année de sortie fait un bon disque, ok, vous pouvez passer à autre chose. Les albums des Beatles ne sont pas meilleurs car ils datent des années 60. Qui peut me donner la date de composition, à 10 ans près, du Requiem de Mozart ? Allez, au moins le siècle...
De même, ayons une pensée émue pour
quelques titres moins "indispensables" mais
"de la glorieuse époque" (adopter un
ton ironique): "Flash Of The Blade", "Gangland",
"Sun & Steel", "Only The Good Die
Young", 'Iron Maiden".... Bref, "Dance
Of Death" contient à la fois du très
lourd original ("Paschendale" en tête
- le meilleur morceau de Maiden ? - "Montségur"
- "No More Lies"...), de la prise de risque
("Journeyman", acoustique et délicat,
"Face In The Sand") et un "reste"
supérieur aux habitudes ("New Frontier",
"Age Of Innocence") là où les
équivalents sur "Brave New World" furent
franchement moins réjouissants ("Out Of
The silent Planet", "The Mercenary",
"The Thin Line Between Love & Hate").
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, "Brave New World" est monstrueux ("Blood Brothers", "Dream Of Mirrors", "Nomad"...) mais... ce n'est pas le seul ;o)
J'arrête là ma défense "Dance Of Deathienne" et revenons à nos moutons. Ce "A Matter Of Life & Death" se situant dans la lignée des deux albums sus-cités. D'où la digression.
La sortie d'un nouveau Maiden restera toujours un événement ! Centré sur les thèmes de la guerre et de la mort, la vierge de fer tient visiblement à rappeler que "soldat" n'est définitivement pas un métier comme les autres, contrairement à ce que certains peuvent penser, et que cela implique la conscience (et la mise en pratique) de pouvoir tuer et être tué. Cela mérite d'être rappelé...
Derrière cette magnifique pochette au style et aux teintes moins usuels, se cache donc un album particulièrement sombre, riche en méandres mais néanmoins homogène. Même Eddie est moins visible !
C'est donc bien la face la plus "progressive" (ne revenons pas trop sur le sens du mot...) du groupe qui est valorisée. En témoigne la longueur de la plupart des morceaux.
Cela commence pourtant assez "mal". "Different
World" s'inscrivant à nouveau dans une habitude
Maidenienne désormais trop systématique.
Le traditionnel morceau d'ouverture rentre-dedans. "The
Wicker Man" ou l'épouvantable et éprouvant
"Wildest Dreams" ne sont pas loin. Une mélodie
un peu plus riche maintient néanmoins le bateau
largement à flot. Et puis, Iron Maiden a souvent
proposé des titres d'ouverture dispensables:
"Moonchild", "Tailgunner", "Futureal"....
Ok, les réussites furent aussi légion:
"Sign Of The Cross", "Caught Somewhere
In Time" ou "Be Quick or Be Dead" dans
un registre plus concis.
Ce 14ème album studio se distingue donc ostensiblement par ses longs développements (encore plus qu'à l'accoutumée). Dense et sombre. Un album "qui se mérite", moins instantané, avec pratiquement 7 des 10 titres dépassant les 7 minutes (cela flirte parfois avec les 10 !). Bien entendu, ce n'est pas un gage de qualité, mais cela permet de mieux saisir l'esprit...
Les futurs classiques sont déjà là,
comme toujours. La patte "Smith" encore plus
marquée, compos ET soli. Cet homme a la classe
! Que cela soit à travers le surprenant premier
single ("The Reincarnation Of Benjamin Breeg"),
très roots, un riff presque purple-ien, ou le
craquant "Brighter Than a Thousand Suns",
thème et refrain lyrique, il y a tout ce que
vous avez toujours aimé chez Maiden, de la flamboyance,
du riff, de l'épique mais toujours avec ce petit
poil de différence, la petite couleur qui donne
à chaque album une légitilité,
un particularisme. Une solennité presque médiévale
culminant avec le grandiose et original "The Legacy"
final, là où un "The Longest Day"
semble un peu trop en retrait, presque entendu, pour
mieux s'insinuer dans vos neurones, fantasmant l'interprétation
live ! Un son de clavecin, d'orgue, un riff "old-school",
une ligne vocale dissidente, soyez à l'affut
des détails. Et délectez-vous de ce splendide
et contrasté "Lord Of Light" - ce refrain
!
Les morceaux plus "intermédiaires" se situent, ce qui ne fut pas toujours ainsi, dans la catégorie supérieure, comme c'était déjà le cas pour ceux de "Dance Of Death", en témoigne le celtique et rythmé "The Pilgrim" ou le très plaisant "Out Of The Shadows" et sa guitare acoustique (presque du Dickinson solo).
Le seul bémol serait, comme depuis une grosse dizaine d'années peut-être, une propension à systématiser certaines structures ("These Colours Don't Run", par exemple) ou certains plans (la rythmique du couplet du pourtant très bon et tortueux "For The Greater Good Of God"). Départ calme avec thème qui revient tout du long, chant posé, accélération, etc... Mais peut-on leur en vouloir ? A nouveau, ils en sont les dépositaires. Et le font avec un tel talent !
Oui, je suis un énorme fan de la première heure. Non, je ne cherche peut être pas à demeurer d'une objectivité qui n'a guère de sens, de toute manière, dans la perception "artistique". La question n'est pas de savoir s'il s'agit du meilleur ou du moins bon album. Cela n'a pas de sens. Car si aucun morceau ne semble vraiment se détacher de prime abord, c'est que "A Matter Of Life & Death" est exactement le genre de recueil qu'il faut laisser de côté pour un temps. Y revenir. Et voir, des mois plus tard, comment il a grandi en nous. Ce qui reste. Ce qui se révèle. Indéniablement un album de révélation(s), de maturation.
Maiden Rules ! A jamais !
Comme toujours, un album de Maiden est un événement. Comme toujours, l'année sera marquée par cette sortie. Un incontournable. Un "maronnier", comme on dit. Mais pas par principe.
De quoi nous plaignons-nous ? Profitons, profitons. Rien n'est éternel...
Mais, si. Mais, si... |