On se doutait bien que le trip « guitare hard instrumentale » d'il y a vingt ans ne serait qu'un feu de paille dont seuls les plus talentueux sortiraient indemnes. Et à ce petit jeu-là, il est parfaitement clair que
Steve Vai et Joe Satriani étaient tout désignés pour demeurer les maîtres d'un jeu dont ils ont finalement défini (et fait exploser !) les règles. Aussi bien pour la technique indépassable qu'une inventivité de tous les instants, la multiplicité des styles abordés, la grâce, la justesse de ton et la facilité. Un don n'est rien sans travail. Mais un don avec le travail… !!!
Depuis dix ans, les bases une fois posées, quelques groupes sporadiquement intégrés et les expérimentations rondement menées (chant, album blues et j'en oublie !), la pérennité d'un concept que le « grand public » ne pourra sûrement jamais intégrer ne se fait pas sans difficultés et c'est presque une forme de routine qu'il faut combattre. Une tentative « electro » (« Engines Of Creation ») un peu morte dans l'œuf plus tard, c'est essentiellement du sous-estimé (quelle force mélodique et fluidité rythmique !) « Strange Beautiful Music » dont il faut se souvenir. Le précédent « Is There Love In Space ? » ayant même sérieusement inquiété !
Pourtant ce « Super Colossal » se situe bien dans le prolongement de cette dernière rondelle un brin « light » et évidente. A nouveau, comme si Mr Joe avait lui-même senti qu'il n'était pas allé au bout d'une envie, l'accent est mis sur la lumière et la simplicité des mélodies. Une musique épurée, plus transparente mais pas terne pour autant et surtout avec le souci constant du détail. On ne se refait pas :o)
Exit les arrangements faciles, le moindre thème est donc développé avec un contre-chant d'harmoniques, un groove mortel, un gimmick ou une sonorité inhabituelle. Et c'est bien là la force permanente de notre homme, son instinct hors du commun. Ce qui fait que n'importe quelle note jouée par le Silver Surfer viendra toujours d'ailleurs. Un bonheur permanent !
En témoigne à nouveau de nombreux titres de ce splendide recueil d'émotions, au son et à l'interprétation magnifiés, en dépit d'un évident manque d'ambitions, de gros riffs flashy ou de plans killer que Joe a de toutes façons suffisamment usé. Rock à ses heures, l'introductif morceau éponyme (C'est « I Love Rock'N'Roll » !) l'est. Tout comme l'époustouflant « Crowd Chant » final. Ebouriffants riff (avec un thème piqué à Fauré) et choeurs !!! Facile de transposer la version live, un vrai classique ! Comme « toujours », Satch sait pimenter des riffs qui seraient quelconque chez n'importe qui en ajoutant un zeste de « gribouillis » sonores (« Just Like Lightnin' ») ou en ouvrant le frigo un après-midi de canicule (l'irrésistible et rafraîchissant « Theme For A Strange World »).
Au rayon Mr Plus, n'oubliez d'ailleurs pas de relever l'apparition (quatre titres tout de même) de l'exceptionnel Simon Phillips à la batterie (Mr « J'ai joué avec tout le monde » avait d'ailleurs déjà vaguement collaboré avec Joe… cf. l'impro « Woodstock Jam » de « Time Machine » et des petits bouts de « The Extremist », ces sessions n'ayant à l'époque guère convaincu). Notons aussi que c'est Joe himself qui tient la basse sur tout le disque. Quelques titres anodins (« It's So Good », « Movin' On ») n'entâchent pas une série de morceaux purs où l'on sent Joe Satriani en parfait accord avec lui-même, serein (« Redshift Riders » et surtout « Ten Words », écrit après le 11/09/01, & « Made Of Tears », la plénitude je vous dis).
Un album recommandable même s'il ne faut tout de même pas s'attendre à y trouver la référence du genre. Parfait pour le printemps qui s'annonce et continuer le chemin avec cet exceptionnel musicien, de la trempe de ceux qui ne déçoivent jamais vraiment ;o)