Marillion - Somewhere Else (avril 2007)
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1- The Other Half
2- See It Like A Baby
3- Thankyou Whoever You Are
4- Most Toys
5- Somewhere Else
6- A Voice From The Past
7- No Such Thing
8- The Wound
9- The Last Century For Man
10- Faith
 
Rarement l'attente d'un nouveau Marillion n'aura été si fébrile. Il faut dire que ce 14ème opus studio a eu le temps de se faire désirer. Excepté pour les référenciels "Brave" et "Marbles", jamais gestation n'aura été si longue. Trois ans ! Et de multiples annonces, utilisation ou non des morceaux écartés de "Marbles", ep (formats courts), Dave Meegan ou non, pas de précommande... Le fan en fut tout chamboulé. Finalement, si la promesse d'une nouvelle rondelle pour 2008 se confirme, Marillion aura tout simplement pris son temps, comme souvent, pour peaufiner une oeuvre, sur le papier, moins ambitieuse mais aussi finement ciselée et peaufinée que d'habitude ! La sélection des titres a dû être sacrément complexe !

Visiblement, le combo a essayé d' "alléger" (une musique cependant habituellement jamais lourde !!!), de faire plus concis. A la limite, on pourrait presque imaginer quelques ambitions d'élargissement du public. De par les formats, les différents styles, n'hésitant pas à proposer un début fort rythmé, épurant certaines mélodies, un album qui pourrait plaire à beaucoup... mais pas sans risques. Et puis, ce son ! Excellent au demeurant mais démontrant l'envie d'élargir la palette. Cru, brut et puissant. Marillion a toujours surpris, s'est toujours réinventé, c'est une seconde nature. Impossible voire stupide d'imaginer une piste particulière pour l'avenir mais les originalités sont très nombreuses et surtout très réussies !!! L'effet de voix et les autres sonorités de "No Such Thing", le divin final de "The Last Century For Man", par exemples. Et surtout, nous redécouvrons régulièrement un vrai groove de groupe. A la fois dans des titres directs (la deuxième section de "Most Toys", assez stupéfiante, "moderniste" si ce n'était un poil ironique) mais même dans du plus "classique" tel ce "Somewhere Else" essentiel ou dans l'irréstitible première section de "The Wound" et son couplet évoquant presque celui de... "Big Wedge" de Fish sur fond d'arpèges "Seasons End". C'est fugace mais sensible et amusant. Un détail, une simple phrase ;o) Effet radical, surprenant, une des absolues réussites de ce nouvel étalon !

Et le voici ce "Somewhere Else", titres plutôt courts, dix au total. Efficace donc mais à la production toujours aussi foisonnante (quelles textures !), merci Mr Hunter ! Le problème de l'attente, finalement, est de créer une exigence. L'unique souci est peut-être là. Un cap devra sûrement être dépassé pour certains d'entre-nous.
Un ensemble résolument moderne aux références multiples mais proposant, comme toujours, un véritable bond en avant. Une "simple" collection de chansons, pour cette fois. On retrouve ainsi la lucidité et le soin d' "Anoraknophobia". Dans une certaine mesure, la dose d'expérimentation de "Radiation" (rassurez-vous, je n'aime guère ce disque finalement), mais avec une toute autre maestria, se référer aux "ethnicismes" de la deuxième partie de "The Wound" (digne du meilleur h band), à un "Voice From The Past" presque minimaliste et répétitif sur le début (splendide thème de piano) mais grandissant lentement en nous (une des vraies nouveautés musicales du disque, très contemporaine pour ne pas dire cinématographique) ou à la relecture réussie de "Faith", toujours plus Beatles (intro à la "Blackbird" sans la dispensable guitare électrique de l'intro originelle et final encore plus "Flower Power"), finalement une très jolie conclusion apaisée, idéale et complètement dans l'esprit du disque. Enfin, la gravité et la noirceur de "Afraid Of Sunlight", mais pas tant que cela. Oui, autant d'influences annoncées. Mais l'on sent sincèrement que le combo a voulu faire un disque pour tous. Actuel, ce n'est pas du tout péjoratif, au contraire. Un album mature mais contrasté. Libre et accessible. C'est un grand compliment. Fluide.

Presque rien d'inutile, une suite de perles enfilées avec une grâce qui ne pourra jamais abandonner nos anglais. Définitivement. Car à nouveau, tout est là. Chacun y fera sa sélection mais franchement... que demander d'autre ! Lyrisme à gogo, mélodies pures et souvent inoubliables, des textes toujours plus personnels.

Du faible single "See It Like A Baby" à l'étrange et aguicheur rock frontal (!?!) "Most Toys" (Si, si, Marillion a toujours su varier les plaisirs), du nouveau classique absolu "Somewhere Else" (Quelle progression ! Et ce final !) au sensible "Thankyou...", c'est encore un quasi-sans faute confondant. Même la réutilisation (un poil réorchestrée, il est vrai) de "Faith" (utilisé en face B à l'époque "Marbles") ne dérange pas trop. On ne pourra le nier, ce n'est tout de même pas "Neverland" ou "100 Nights" mais... c'est aussi là tout l'intérêt ! Une couleur différente, pour de nouvelles sensations, situé juste après un "The Last Century For Man" ("God Bless la belle France" - yes !) concerné. Une splendide chanson, où God Rothery brille encore et toujours de justesse et de sobriété bien placée. Très jolie valse languissante aux phrasés "Angelinesques".
"No Such Thing" qui, en d'autres temps, se serait subrepticement métamorphosée, est en revanche symptomatique de certaines limites du projet (pourtant de splendides mélodies, bien arrangées mais manquant d'un chouia de quelque chose). Comparable à "Afraid Of Sunrise", en bien supérieure, mais avec cet aspect "idée sympa mise de côté à exploitée"... Globalement, ce qui manque le plus, ce sont des "ponts" (chantés). Souvenons-nous des merveilleux "bridges" de "This Is The 21st Century", "One Fine Day", "Fruit Of The Wild Rose" et j'en oublie, quelque soit l'album, il y en a tant ! Un des manques identifiables est là... De nombreux morceaux passent d'une idée à l'autre ("The Other Half", "The Wound", "Faith"...). Pourtant avec succès !
Non, ce n'est pas "Marbles". Difficile de retrouver l'absolue perfection du prédécesseur. L'instantanéité. Même le "single" "See It Like a Baby" n'est pas si évident / entraînant. Il faut dépasser ce stade.

Mais les harmonies s'incrustent, n'en doutez pas. Plus facilement qu'on ne le pense. "Somewhere Else" joue sur un autre registre. Celui de la révélation, où les émotions demeurent parfois contenues. Dans la digne lignée de l'oeuvre globale et surtout des dernières productions mais de manière plus concise. Ce qui est aussi une vraie difficulté, un vrai challenge. Démontre un talent phénoménal. Un sacré art celui de dire l'essentiel. Tailler. Choisir. Un challenge aussi. Pas forcément toujours réussi, il est vrai. Mais Marillion a le "truc". Indescriptible, qui fait que lorsque vous avez aimé, vous retrouverez toujours ce qui vous a scotché. Quelque part. Si souvent.

Des mélodies qui vont à l'essentiel, c'est sûrement une remarque que l'on n'a pas fini d'entendre. Mais du coup notre réflexe est d'en attendre d'autres (de mélodies) qui ne viennent pas toujours. En témoigne l'ouverture sur "The Other Half", presque rock, à la "The Damage", mantra inaugural qui bascule vers une splendide mélodie, très "typée" ;o) Etrange polarité. Un album de photographies éparses rassemblées sous une même banière. Eloigné des schémas plus habituels "singles/morceaux plus rythmés/epics/titres émotionnels". Les éléments y sont, déconstruits, partiels, au service d'une globalité où chaque partie conserve paradoxalement une vraie autonomie. Plus axé sur l'arrangement et le détail, musical ou de production. Presque une démarche de Bluesman en faite ! La recherche du petit quelque chose, du moment magique. Des émotions brutes qui nous emmènent "Somewhere Else"...

Il reste que ce nouvel opus possède une "vibe" qui lui est bien propre. Renforcée par un noyau du meilleur niveau, ces "Somewhere Else", "Thankyou Whoever You Are" (référentiel, une mélodie incontournable, un nouveau "Fantastic Place", quoi !), "The Last Century For Man" et "The Wound" dont nous ne sommes pas prêts de nous lasser ! Eh attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, le reste est aussi sacrément bon et se bonifie même déjà de jour en jour ! ;o)

Un album plus direct mais pas évident pour autant, demandant de nombreuses écoutes, une attention de tous les instants, et son lot de titres exceptionnels. Parfois, oui, de la demi-teinte... N'en doutons pas, ce disque ne fera sûrement pas l'unanimité mais ne pourra vraiment pas être critiqué pour de mauvaises raisons. Ce n'est pas du Marillion "classique". C'est sûr. Il y a certains aspects critiquables, tout aussi évident. Mais le style est là. Les changements mais dans le bon sens de terme. Et puis, comme toujours, une poignée de titres énormes. Oui... Ok, vous voulez que je m'engage... leur meilleur ? Non. Et après... ? Vous n'avez toujours pas compris ? Marillion ne loupera JAMAIS son coup !!! ;o)
 
par Christophe
février 2007
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