Soyons honnête : il ne me serait jamais venu à l’idée d’acheter un disque d’Emmylou Harris. A peine savais je de qui il s’agissait… Mais lorsque j’ai vu son nom associé à celui de Mark Knopfler, je n’ai pu que me laisser tenter ! La musique de Dire Straits a bercé toute ma jeunesse et je suis resté fidèle à l’écossais malgré quelques passages de sa carrière solo moins inspirées que d’autres. Il me restait donc à découvrir Emmylou et cela se fera joliment au sein d’un des plus beaux roadmovie…
Un disque de country blues donc… Décidément, le style musical en inspire plus d’un. Après le Boss et sa Pete Seeger’s session - lire la chronique, voici que Knopfler s’y met lui aussi. Il avait néanmoins déjà tenté l’aventure folk avec les Notting Hillbillies et quelques titres de ses derniers albums laissaient entrevoir son intérêt pour cette musique. Si elle a toujours rencontré un grand succès dans le pays de l’Oncle Sam, il est à rappeler que ce sont les colonistes britanniques d’origine venant aux Amériques avec leurs chansons et danses folkloriques écossaises-irlandaises qui ont donné naissance à ces airs traditionnels de fête.
Et ce bien avant que Nashville en devienne la capitale dans les années 20. Un certain Hank Williams - lire sa biographie en cliquant ici - en est bien vite la vedette et demeure encore aujourd’hui une des voix emblématique et inspiratrice de la country.
C’est lors d’un tribute en hommage à ce musicien que Mark et Emmylou décident d’unir leurs voix respectives. Il aura fallu toutefois plus de sept années pour que le projet aboutisse et que All The Roadrunning parvienne enfin à nos oreilles. Une douzaine de chansons écrites pour la plupart par Mark et deux seulement par Emmylou (Love and Happiness et Belle Starr). A la fois douces et mélancoliques, tantôt enjouées et gaies, elles nous mèneront alors sur les routes paisibles des contrées de l’Amérique rurale jusqu’à New York et ce jour tragique du 11 septembre 2001.
Enregistrer un disque de duos n’est pas chose aisée et le résultat peut s’avérer périlleux mais quand une jolie complicité se crée autour de la musique, on aurait tort de le bouder. All the Roadrunning est ce curieux mais réussi brassage entre une voix âpre et masculine et une voix féminine et suave. Une jolie harmonie à laquelle s’unissent les belles couleurs de la guitare reconnaissable de Knopfler et de la mandoline et violon de Glen Duncan : ‘Beachcombing’ et ‘I dug up a diamond’, un début romantique en guise de belle veillée. Un coucher de soleil ou un soir de lune, la clé de contact au niveau arrêt pour profiter du paysage. Les deux voix s’unissent et finissent par s’envoler…
‘This is us’, le premier single de l’album, sonne résolument Knopfler et est à rapprocher d’un ‘What it is’ (album Sailing to Philadelphia). Le tempo est plus rapide, le refrain imparable. En voie sur une route tranquille, roulant avec sa belle. Ce n’est qu’au quatrième morceau, Red Staggerwing, qu’il nous faudra quitter la voiture pour s’inviter dans une grange et dégourdir ainsi nos guibolles au rythme d’une danse typiquement folklorique. Le titre le plus country. Accordéon, violon, mandoline… La voix de Knopfler aux accents typiquement folk… Finalement, le seul titre du disque nous offrant cette ambiance de fête.
Une botte de paille… Il convient de s’y coucher et de se laisser bercer par les tendres Rollin’ On et Love and happiness. Une ambiance gypsie pas si éloignée des tubes de Fleetwood Mac. Deux belles étoiles scintillantes. De douces notes de piano, une guitare acoustique… Et toujours ces deux voix de mariage parfait.
Après ce court repos, il est grand temps de reprendre la route. La steel guitare de Paul Franklin résonnante encore dans nos têtes lors du bluesy Right Now que nous voici déjà arriver à Donkey Town. L’acoustique est de mise. Un bar de route et sur la petite scène paisible un couple entonnant cette mélodie dans une quelconque indifférence. Autour quelques tables et quelques verres… On écoute tout en parlant, on se prête également à songer, on joue aux cartes... Une dernière chanson avant de quitter le bar. Plus enjouée cette fois, pour réveiller l’assemblée : Belle Starr. « I’ll be your Belle Starr, You could be my Jesse James » et les garçons invitant les filles pour une nouvelle danse folk.
Beyond my wildest dreams et une chanson qu’aurait bien pu chanter Springsteen. Les intonations de Knopfler ressemblant étrangement à celle du Boss dans ce morceau. De même la composition folk rock du titre. De routes vagabondes en routes vagabondes, All the roadrunning, et nous rejoignons lentement celle menant aux grandes villes…
New York… Un certain 11 septembre 2001 et le drame qu’on lui connaît.
S’inspirant des dernières communications téléphoniques entre les victimes des tours en flammes et leurs conjoints, le duo nous livre une version poignante et émouvante de cette tragédie. Les deux voix plus belles que jamais, la guitare de Mark accompagnant cet ultime voyage avec toute la pureté des vocalises d’Emmylou…
Finalement Emmylou et Mark ne seront du début jusqu’à la fin du disque qu’un couple illégitime que la musique unit. N’en déplaise à certain qui trouveront l’ensemble trop mièvre, All the roadrunning est fait de beaux sentiments et relève d’une belle alchimie entre les deux artistes. Mark Knopfler et Emmylou Harris n’ayant plus rien à prouver se sont offerts de beaux et touchants moments. Cela s’entend et se ressent des premières notes du disque jusqu’aux dernières paroles, celles de deux êtres qu’un absurde destin déchire :
« My famous last words
Could never tell the story
Spinning unheard
In the dark of the sky
But I love you
And this is our glory
If this is good bye
If this is good bye »