Matmatah - Archie Kramer (juin 2005)
site officiel : www.matmatah.com
1- Casi El Silencio
2- Gotta Go Now
3- La Dernière Aventure d'Archie Kramer
4- Au Conditionnel
5- Le Souvenir
6- Radio Edit
7- Il Fait Beau sur la France
8- Alzheimer
9- La Grande Cuisine
10- Anita
11- Broke Lover
12- Tomber Des Nues
 
Quelle étrange évolution que celle de Matmatah !

Ce groupe de rock breton a commencé par tout casser avec son magistral premier album, « La Ouache » (1998), brûlot inédit alliant une celtitude assumée, une efficacité mélodique imparable et un sens festif redoutable. Les influences bretonnantes étaient alors légion, au travers de chants traditionnels remaniés (« Les moutons »), d'une magnifique chanson de marin (« Derrière journée en mer »), ou d'évocations folk rock réussies (« Kerfautras », « An Den Coz », « Derrière ton dos »).
Le rock énergique était, lui aussi, déjà présent, avec « Anter-Ouache / Ouache », « Emma », l'instrumental « Ribette's », encadrant deux incursions plus « ethniques » : « Troglodyte », et le reggae contestataire et provocateur « L'apologie », au paroles percutantes. N'oublions pas non plus le tube « Lambé An Dro », invitation à la fête taillée pour la scène !

Changement de décor en 2001, avec « Rebelote », album plus sérieux, plus mature, plus rock, et en tout cas débarrassé de l'héritage breton dont le groupe redoutait peut-être qu'il l'enferme dans une case trop étroite. A peine « Y'a de la place » rappelle-t-il les références de « La Ouache », de même qu'un délicieux « The Grave Digger » digne du meilleur pub écossais. L'heure est au mea culpa : « Quelques sourires », en guise d'excuse après l'affaire judiciaire de « L'apologie », considéré comme une incitation à la fumette malgré son regard très pertinent sur les failles du traitement de certaines substances par l'Etat.
L'humeur est à l'introspection : « Abonné absent », intimiste et habité, avec ses samples et sa voix lointaine ; « Archimède » et son « petit lagon émaillé d'à peine un demi mètre carré, cette flaque d'égoïsme ». Matmatah choisit l'oubli dans l'alcool (un « Sushi Bar » très arrosé), ou encore le retour au valeurs des 60's - 70's (« Crève les yeux » très Beatles, et « Out », longue jam Led Zeppelinienne de neuf minutes, toujours avec des chœurs remarquables et des paroles finement ciselées.

Et en 2005, où en sommes-nous donc avec Matmatah et sa nouvelle livraison, « Archie Kramer » ?!

Eh bien, disons le tout de suite franchement, c'est une demi déception que j'ai ressentie à l'écoute de cet album… Certes, la maîtrise du groupe en studio est indéniable. Certes, Matmatah ose se frotter, avec succès, à divers sons qui élargissent son chant d'action. On découvrira, ainsi, Curro Savoy, siffleur attitré d'Ennio Morricone, sur les deux beaux morceaux « Alzheimer », ballade triste à l'orgue discret, et « Anita », très jazzy. On rencontrera une voix feutrée à la Lou Reed , un dobro-slide et un saxo sur « La grande cuisine ».
On versera une larme sur le délicat « Tomber des nues » final. On se laissera surprendre par la rythmique disco-funk de « Gotta Go Now », ou par les cordes de « Le Souvenir ». On sera emporté par un « Casi El Silencio » percutant. Certes, la basse d'Eric Digaire est souvent excellent, de même que les chœurs très travaillés. Certes…

Pourtant, il nous sera, à mon humble avis, difficile de fermer l'oreille sur la répétitivité agaçante de nombreux morceaux qui ont pris le parti de tourner inlassablement sur les 3 ou 4 mêmes accords…
Je m'explique : « Gotta Go Now » abuse de la phrase « Girl, you gotta go, you gotta go now » répétée jusqu'à plus soif ; « La dernière aventure d'Archie Kramer » (sorte de « Bonnie and Clyde » Gainsbourien parlé), « Au conditionnel » (ritournelle amoureuse aux jolies paroles), « Le souvenir », « Il fait beau sur la France » et « Broke Lover » (vieux blues au saxo déjanté) ne vont nulle part, recyclant un riff unique ou une suite d'accords pendant des minutes entières et interminables. Quel maigre souci de construction de la part de Matmatah, sur la moitié des morceaux de cet album !

Quel dommage, quand on est capable d'une si grande polyvalence et d'une si belle efficacité mélodique !
C'est bien beau, de s'essayer avec succès à des styles et des sons différents, encore faut-il avoir de vrais morceaux derrière… A mon grand désespoir, après tant de bons moments passés en sa compagnie, je ne pourrai terminer cette chronique sans conclure sur une question un peu méchante : Matmatah 2005 = la forme sans le fonds ?
 
par Mitch
juin 2005
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