Autant commencer par la fin : vous y avez cru ? Vous avez eu tort… Queensrÿche ou le plus grand gâchis de l'histoire de la musique ! Parti de nulle part (« The Warning », du metal de base, représentatif de l'époque), c'est pourtant bien un monument soutenu par quatre piliers que le combo de Seattle construit en moins d'une décennie !
« Rage For Order » (si moderne... qu'il est toujours en avance !), « Operation : Mindcrime » (concept-album engagé quasi-intouchable… d'où le hic d'aujourd'hui !), « Empire » (un son phénoménal et une fluidité d'écriture, plus mélodique que jamais, renversante !) et « Promised Land » (serein et définitif). Je ne le savais pas mais en assistant à l'incroyable concert donné par le quintet à l'Elysée-Montmartre début 1995, je participais à un des meilleurs concerts de ma vie et à un des enterrements qui s'ignore les plus enjoués.
Si on s'arrête à ces pièces éparpillées entre 1986 et 1994, l'on tient là la quintessence du heavy mélodique, prog à ses heures, intime & grandiose, raffiné & visionnaire. Simplement un des meilleurs groupes de tous les temps. Queensrÿche aurait du devenir un monstre. Queensrÿche était un monstre ! Le problème, après la parenthèse « Hear in The Now Frontier », c'est bien, qu'on le veuille ou non, que Queensrÿche « était » Chris De Garmo, compositeur principal et véritable pilote. Malgré les énormes qualités des autres membres. L'exemple type du groupe alchimiste sans lequel chaque partie n'est rien ou pas grand chose…
Mais revenons à nos moutons… « Operation : mindcrime II »… Pppfff, rien que le titre !
Des point communs avec l'œuvre originelle ? Il en faut, sinon, à quoi bon… Quelques riffs, de ci, de là… (« The Hands », la fin de « A Junkie's Blues »…), la thématique globale... Des différences ? Heureusement, sinon, à quoi bon… Un côté vaguement néo pseudo-moderne, comme sur les ternes œuvres précédentes (« Q2K », inécoutable & « Tribe », moins pire… De Garmo a légèrement participé à quelques titres…). En revanche, on ne retrouve pratiquement pas tous les petits détails, la tension, bruits d'ambiances, transitions et instrumentaux passés (« Electric Requiem », « Waiting For 22 »…). « Freiheit Ouvertüre » ? Grossier... « Circles » ? Une impasse...
Sincèrement, vous pouvez sérieusement comparer un final comme « All The Promises » à « Eyes Of A Stranger » ? D'accord, c'est normal de vouloir faire « différent » mais il ne faut alors pas intituler un album « Operation : mindcrime » !!! Sacrilège :o)
Pamela Moore est bien présente (« If I Could Change It All », « An International Confrontation »…), les passages les plus intéressants avec la jolie prestation de Ronnie James Dio en Dr. X (« The Chase ») mais… sans vouloir jouer les rabat-joies… vous souvenez-vous de « Suite Sister Mary »…. ? Il n'y a pas à dire, la musique n'aime pas les séquelles… et cet « OM 2 » ne tient pas du tout la comparaison avec son aîné qui aurait dû rester fils unique ! Puisse cette grossière erreur ne pas entacher l'aura du chef d'œuvre !
C'est d'un autre groupe qu'il s'agit et si cette rondelle n'avait pas porté le sceau Queensrÿche, inutile de dire que jamais je n'aurais écrit ces quelques lignes… Reste la voix de Tate qui n'illumine pourtant pas grand chose… De brefs passages (« I'm American », « Re-Arrange You »...)... Un album inutile, ennuyant et triste… limite pathétique & parodique, en tout cas, quelconque, trivial… Pourquoi diable s'être lancé dans une telle opération (« mindcrime », eh, eh…) ?
On n'ose répondre… de peur d'avoir raison…. Et ce n'est pas tant de trop avoir aimé… Quand il n'y a plus la magie…
PS : Si vous avez apprécié ce disque, pas de souci, au contraire, envoyez-nous votre contre-chronique, nous la mettrons avec plaisir ! J'ai presque honte de l'avoir « cassé » alors…
Et bien justement... voici une contre-chronique par un de nos lecteurs !
Il est toujours un désavantage énorme dans la carrière d’un groupe : celui de l’album phare, l’album classique, l’Incontournable. En effet, faire aussi bien, sinon mieux, que ce qui sert de référence relève trop souvent de l’ordre de l’utopie. Non pas tant que la qualité musicale soit mise en défaut (encore que….), mais la critique, le public, auront toujours cette (fâcheuse) tendance à effectuer des allers-retours constants entre cette référence discographique et les productions musicales suivantes. Au risque d’enfermer le groupe dans une stérilité fatale. Nous en avons un superbe exemple avec AC/DC faisant la promo (cachée) de Back in Black depuis maintenant 26 ans.
Alors bien sûr, lorsque l’on sait l’importance d’Operation Mindcrime dans la carrière de Queensrÿche. Lorsque l’on sait l’impact rencontré par cet opus dans la communauté Heavy Metal, on se doute aisément que la parution d’un Operation Mindcrime II ne va pas échapper à ce syndrome. Qui plus est, lorsque l’on prend en considération que 18 ans se sont écoulés entre les deux volumes et que le groupe a rencontré quelques faux pas avec son guitariste-compositeur-pilote-moteur (n’en jetez plus !).
Mais à quoi devions-nous nous attendre ici ? Une pâle copie des premières aventures de Mary ? Un écho sonore de l’ordre du carbone ? Gageons que la critique ne se serait alors pas privée de souligner cette dimension de clone. Operation Mindcrime II voit Queensrÿche prendre le risque d’innover, non pas tant dans le domaine musical au sens large du terme, ni même en regard de sa singularité musicale, mais tout simplement dans ce qui a été son propre concept. Mais qu’il doit être ardu de proposer une suite à quelque chose de mythique ! Quel courage de résister à la tentation de se plonger dans une recette dont on sait pertinemment qu’elle fera mouche ! On le comprend, là où la critique, et même la communauté Queensrÿchesque , n’a pas vraiment adhéré à ce nouvel opus, j’ai trouvé la chose séduisante, voire très séduisante. Bien sûr, la perfection est là encore de l’ordre de l’utopie, et certains passages, moments de la galette proposée par Tate & Co ne m’emballent pas plus que ça, mais ils sont bien mineurs en regard de tout ce qui fait la singularité de cet album.
Oui, bien sûr, on pourrait reprocher à cet album de ne pas contenir en substance la tension inhérente à l’ambiance du premier volume. Bien sûr encore, on pourra reprocher à Tate & Co de mettre en avant des couleurs musicales contemporaines, voire actuelles, ou possédant un semblant d’actualité. Le riff de One foot in Hell… est assez explicite en ce sens, et la chose donne quelques lourdeurs (dans le mauvais sens du terme) à d’autres morceaux. Murderer ? y aurait gagné en subtilité avec davantage de finesse tant dans l’organisation tant harmonique que structurale. De même, le pont de Speed of light est sa structure en demi-ton font office de remplissage. Un débutant aurait fait mieux ! On remarquera au passage pour le riff principal de ce morceau une similitude avec Kashmir de Led Zeppelin. On pourra encore mettre en avant quelques longueurs parfois indigestes à l’instar des chœurs d’If I could change it all. Entre juxtapositions et superpositions partielles, là où ce morceau aurait pu être le point culminant de l’œuvre (car s’en est une !), cet embourbement vocal doublé d’une guitare basique amène une frustration des plus malsaines. Là encore, on ne pourra s’empêcher de faire la comparaison avec Dream Theater et son Metropolis Part2 ! Notons au passage que pour son album emblématique Dream Theater s’est inspiré du premier opus de Queensrÿche et que pour ce second volume, Queensrÿche s’en est allé puiser chez Dream Theater. Juste retour des choses ?
Bref, on le voit, Operation Mindcrime II n’est pas exempt de défauts. Mais est-ce que ceux-ci doivent inéluctablement nous empêcher d’apprécier à leur juste valeur des perles comme I’m American et sa puissance de frappe ? L’engouement et la richesse évidents de The Chase… ? Un modèle du genre en matière d’occupation spatiale du vocal. Un modèle du genre en matière de composition dignement équilibrée. Que dire encore de l’efficacité effarante et simple d’un riff comme celui d’A Junkie’s Blues ? Je vous vois venir ! Vous vous dîtes « Il est aveuglé par un fanatisme débile ! Un die-hard-fan du groupe ! » Non, pas vraiment ! J’apprécie Queensrÿche, pas dans sa totalité, j’avoue avoir un mal fou avec Empire. J’avoue une grande affection pour Hear in the now frontier. Non, bien au contraire, j’ai tenté de rester objectif quant à ce que je perçois comme un album incontournable du groupe. Son seul problème, c’est qu’il est paru bien trop tard !
Gageons que d’ici à quelques temps une version live vienne gratifier nos oreilles !
EirKa