Rammstein ne fait pas vraiment partie des groupes dont nous avons l'habitude de vous parler, mais son nouvel album n'en est pas moins un des incontournables de cet automne ; de plus, si ce groupe ne peut être qualifié de progressif, il possède une créativité et une personnalité rares dans le petit monde du métal. En fait, il n'y a pas de juste milieu, Rammstein ne laisse pas indifférent, on l'adore ou on le déteste, pour les mêmes raisons dans les deux cas d'ailleurs : principalement, ses rythmiques martiales, à base de riffs de guitare lancinants et aux sonorités synthétiques, et son chanteur Till Lindemann, qui s'exprime dans la langue de Goethe avec une voix grave et emphatique, en roulant les « r » de façon impressionnante.

Une fois levées ces deux barrières, on peut apprécier les qualités de ce « Reise, Reise » (Voyage, Voyage !), qui est à la croisée des chemins de ses illustres prédécesseurs « Herzeleid », « Sensucht » et « Mutter ». Après avoir frôlé la séparation suite à des tensions internes, Rammstein revient en meilleure forme que jamais en cette fin 2004.

Il ouvre les hostilités avec le morceau « Reise, Reise », qui enchaîne efficacement une intro grandiloquente, un riff rampant et lancinant et un refrain imparable. La tension reste forte avec l'horrifique « Mein Teil », histoire de cannibalisme au riff énorme et aux paroles glauques à souhait (« Du bist was du isst », tu es ce que tu manges…). Après un anachronique « Los », en cinquième position, qui casse la dynamique de l'album, Rammstein remet le couvert avec « Amerika », ode ironique à la gloire de l'impérialisme américain, aux sons de guitares très gras et au refrain taillé pour la scène. Comble de la provocation, ce morceau est enchaîné à « Moskau », sur lequel la langue russe succède à l'allemand et à l'anglais. Le reste du spectre Rammsteinien est couvert par des titres tels que « Morgenstern », avec ses grosses guitares et ses orchestrations, ou encore « Ohne Dich » et « Amour », plus intimistes.

Si « Reise, Reise » ne convertira certainement pas les allergiques à Rammstein, il comblera facilement d'aise les fans d'un groupe qu'on ne peut, objectivement, que louer pour sa personnalité unique et sa faculté à progresser d'album en album.