The Gathering - Home (avril 2006)
site officiel : www.gathering.nl
1- Shortest Day
2- In Between
3- Alone
4- Waking Hour
5- Fatigue
6- A Noise Severe
7- Forgotten
8- Solace
9- Your Troubles Are Over
10- Box
11- The Quiet One
12- Home
13- Forgotten Reprise
 
Les merveilleux Gathering nous reviennent avec un album, comme à l'accoutumée, très attendu.
« Souvenirs », le dernier opus studio, avait sensiblement partagé les foules, essentiellement de par sa propension à la linéarité, la complexité (mais néanmoins beauté) des arrangements ne parvenant pas à rehausser des mélodies bien trop discrètes, peu évidentes et au relief incertain. Un avis tout personnel, je le concède :o)

La première impression que laisse « Home » est celle d'un pertinent mélange. Si le côté rock annoncé n'est pas véritablement criant, une certaine immédiateté est malgré tout présente. Les mélodies, à nouveau, ne se laissent pas facilement apprivoiser. En témoigne assez rapidement un « In Between » qui se mord un chouia la queue alors que le « Shortest Day » inaugural faisait déjà résonner, dans une certaine mesure, un écho lointain à « If_Then_Else » ou même « How To Measure… » !

Mais considérer cette nouvelle livraison sous le strict angle bicéphale des dernières parures de la troupe serait honteusement réducteur. The Gathering semble en effet avoir trouvé et justement intégré les petites couleurs supplémentaires, les petites nouveautés, qui continuent à placer le groupe dans la lignée des défricheurs, voire des aventuriers !

En témoigne cette nouvelle version de « Alone » (déjà proposé en live sur le récent DVD « A Sound Relief » - lire la chronique ici… Limite Depeche Mode ! Métamorphosée ! Une véritable recherche sonore de tous les instants que l'on retrouve à travers tout l'album. Une véritable réussite, jusque dans la moindre transition, la moindre boucle, la moindre ambiance. L'enchaînement « A Noise Severe » / « Forgotten » jouant de ces contrastes avec une élégance folle, bien entendu accompagné de l'inévitable grâce de notre chère Anneke. Une Anneke peut être encore plus bouleversante que jamais, comme sur le superbe « Box » et la section centrale de « Waking Hour », légère et émouvante… Peut-être pour la première fois, nous sommes véritablement et tout du long surpris ! Ce « Solace » aux étranges paroles multi-langues, « Your Troubles Are Over » entraînant à l'ambiance presque… Cranberries ( !!!), « The Quiet One » acoustique…

Un album qui demande encore (et c'est bon signe !) à être apprivoisé mais très riche en traitements sonores, finement agencé, avec à la fois de la profondeur, des zones sombres et de la perception instantanée, une importante et parfois (dans un passé récent) trop négligée couche de sucre glace !

L'album d'un groupe libéré, toujours plus frais et captivant. Finalement, une vraie petite métamorphose à défaut de pure révolution :o)

par Christophe



 Et maintenant la chronique de Stéphane, grand amateur également de The Gathering !


« Si la musique nous est si chère, c’est qu’elle est la parole la plus profonde de l’âme, le cri harmonieux de sa joie et de sa douleur » écrivait Romain Rolland dans une revue musicale.
Il est fort curieux de constater qu’un siècle après ces dires, la pensée de l’écrivain aura survécu aux divers courants musicaux qui n’en finissent plus de jaillir ci et là. Car forcement la musique exprime toujours ce qu’il y a de plus profond en soi. Encore faut il savoir brillamment retranscrire les émotions par des notes de musique, des instruments, une voix… Et lorsque ces émotions musicales parviennent à nos oreilles, le papillon qui sommeille en nous, auditeur du Beau, du Réel et de l’Imaginaire, ne peut que sortir de son cocon et explorer lui aussi les profondeurs les plus obscures de son être. Doucement, la toile de soie se déchire…

Home, berceau de la vie. Le cœur de la naissance et de la mort. Un lieu d’apaisement. Un refuge. Une église, La Divina Commedia… C’est dans ce dernier lieu, propice au repliement sur soi et aux atmosphères, que nos hollandais ont choisi d’enregistrer leur dernier disque. Hugo s’en va, Marjoleine arrive, Attie revient… Une naissance, un décès… Finalement, la vie de nos artistes ressemblent à la nôtre : des départs, des arrivées, des retrouvailles… Des sourires et des pleurs… Humainement, de chair et de sang…

On voulait un disque plus rock, un retour aux guitares pures… Mais comment faire lorsque l’inspiration est ailleurs et que d’autres mélodies plus intimistes surviennent en tête ? The Gathering est un groupe qui ne triche pas et qui puise au fond de lui-même ce qu’il y a de plus expressif. A fleur de peau, Home, ne ressemble finalement à aucun autre album de la bande. Il faut y voir un objet nu, dépouillé de tous faux artifices, fait de noir et de blanc, une main sur le cœur. La pochette du disque n’a pas été choisie par hasard : reflets de visage de notre époque, de nos doutes et de nos craintes, de nos gaîtés et tristesses.

D’interrogations en exclamations, les douze titres du disque semblent aller de paire et suivre un chemin bien précis mais aux contours incertains selon nos personnalités. Un rite initiatique menant du conflit intérieur à la sérénité: des maux qui nous emprisonnent (Shortest Day) à l’espérance libératrice (In Between), de la recherche du bien être (Alone) à la sensation de l’avoir trouvé (Waking Hour). Survient alors un électrochoc (Fatigue) ramenant à la tristesse et à la remise en question de soi (A noise severe). De nouveau combattre (Forgotten) pour atteindre l’élévation (Solace). S’ouvrir enfin à la lumière (Your troubles are over) pour construire son enveloppe (Box). Si fragile soit-elle, elle nous conduira à la quiétude (The Quiet One) et à la paix intérieure (Home). Un treizième morceau, reprise de Forgotten, élément finalement maître de l’œuvre, la conscience de nouveau interpellée, une voix alors accompagnatrice et réconfortante pour nos premiers ou derniers instants de vie.

Subliminal, Home joue ainsi avec la sensibilité de l’auditeur. Il est l’alter ego de toute personne capable de comprendre que la musique n’est pas seulement un ensemble de sons mais également un facteur d’émotions. Expressive, il faut voir dans la voix d’Anneke autre chose qu’un simple exercice de style. Haletante dans les premières mesures de Shortest Day, hypnotique dans la cassure d’Alone, élevée à son plus haut niveau pour Waking Hour, noisy avec A noise Severe, enjouée dans Your troubles are over, mélodieuse lors de The Quiet One, la voix se meut au fil des morceaux pour leur conférer une ambiance distincte selon l’atmosphère qu’ils diffusent. En toute pureté et sans jamais aller au-delà de toute futilité.

Si elle l’est l’élément central du disque, la voix d’Anneke est aussi servie par de brillantes compositions. Il est étonnant de voir que d’anciens titres non retenus pour les précédents albums aient pu trouver leur place au sein de cet opus : Zion devient ainsi In Between, Lutine se transforme en Home. The Quiet One figurait déjà sur une bande originale d’un court métrage tout comme Alone était présent sur le dvd A Sound Relief dans une version toutefois moins épurée. Etonnant car tout est parfaitement bien construit du début au final et aucun des morceaux n’a à souffrir de faiblesse quelconque et de superflu. Un puzzle où chaque pièce est sa place et dont la veine fondatrice demeure solidement ancrée dans un ensemble onirique. Si la mélancolie prédomine, les mélodies s’accompagnent aussi de titres plus musclés, virant bien souvent au trip rock comme les excellents Shortest Day ou Your troubles are over. Solace étonne par son énergie, l’utilisation de plusieurs langues et de par sa base de résonance tirelire et matraquage de futs. Il fait ainsi figure d’un son nouveau toutefois exploité lors de la parenthèse Passengers in Time.

Que ce soit Hans, René, Marjoleine ou Franck, tous ont su comment mettre en valeur leur talent. Une fois de plus, ces musiciens agissent en tant qu’artisans de la musique et ne sacrifient en rien leur art. Une batterie, une guitare, une basse, un clavier. Sans surjouer, tantôt lent, tantôt puissant et toujours en totale harmonie avec les textes et la voix d’Anneke. Une rythmique bien pensée, quelques riffs discrets mais efficaces, des résonances de basse timides et paradoxalement entêtantes, un ensemble piano voix nous ramenant alors à l’acoustique du Sleeping Buildings. L’électro est à nouveau de mise sans qu’il atteigne toutefois les sommets qu’il avait pu rencontrer lors de l’enregistrement de Souvenirs. Il sert ici plutôt de lien entre chaque titre de l’album et permet alors à l’auditeur de prolonger son songe sans interruption et de l’amener encore plus loin dans sa contemplation.

Home est certainement l’album le mieux maîtrisé du groupe. Et ce avec une dextérité qui pourrait paraître déconcertante aux premières écoutes si on prend l’album comme un simple ouvrage de musiques et de chansons. Il est bien plus que cela. Il pourrait être leur dernier album, le témoignage d’une vie bercée par la musique et bien au-delà de tous facteurs temporels il nous offre l’inestimable : un disque que chacun d’entre nous peut s’approprier et faire de ce Home son propre cocon émotionnel. Doucement, la toile de soie s’est déchirée, le papillon est alors sorti de sa chrysalide…

Un cri d’un enfant, des cloches d’une église… I found in life my way home…
 
par Stéphane
mars/avril 2006
© Copyrights Musicaljam