La République du Génie est un minuscule pays, une fine bande de terre enclavée entre la Principauté du Mauvais Goût, les Territoires de la Vulgarité , bordée par les eaux territoriales du N'Importe-Quoi Démocratique. Ses très rares habitants ont vite fait de poser un pied en ces terres hostiles, et de basculer d'un côté ou de l'autre de ces frontières mal déterminées, tels les patients psychiatriques souffrant de troubles "borderline", toujours sur le fil entre dépression et euphorie.

The Mars Volta mérite, assurément, de compter parmi les ressortissants de ce pays étrange, bien plus encore qu'un Steven Wilson (Porcupine Tree, Blackfield…) ou qu'un Devin Townsend, dont la folie créatrice paraît bien sage à côté du grand bordel plus ou moins organisé que représente un album de The Mars Volta !

Plus que pour tout autre album chroniqué en nos pages, il nous sera difficile de vous assurer si ce « Frances The Mute » est le premier chef d'œuvre de musique contemporaine du XXIème siècle, ou bien la plus grande escroquerie de l'histoire de Musicaljam…
En fait, en y réfléchissant bien, ce disque est tellement barré, bigarré, déstructuré, en un mot, « difficile », que la majorité des auditeurs le classeront dans le grand n'importe quoi, à l'écoute des moments les plus abscons qui jalonnent ses douze titres ; pourtant, quelques amateurs de musique « artistique », expérimentale, ne manqueront pas de crier au génie face à ces cinq musiciens qui n'hésitent pas à faire tomber toutes les barrières et à brasser, loin de toute règle stylistique ou commerciale, des influences allant de la salsa au rock psychédélique (Pink Floyd époque Syd Barrett !), du blues torride au hard seventies !
Les parties de pure beauté succèdent aux interludes les plus bruitistes et les plus étranges, les rythmiques trépidantes et latines font place aux solos de guitare frénétiques, le chant alterne entre anglais et espagnol, toujours dans des tonalités aiguës et hallucinées.

Sans aucun doute, ces gars-là ont l'inspiration, la technique, le son et la folie des Grands. Si le fonds est admirable, la forme demeure incontestablement déroutante, avec ces morceaux de treize minutes aux structures et aux contrastes improbables !

Nous vous aurons prévenus, le voyage en République du Génie est presque aussi risqué qu'un pique-nique dans la bande de Gaza…
Si vous cherchez des émotions fortes, prenez un aller simple ; si vous ne jurez que par Hammerfall et AC/DC, vous n'en reviendrez pas entier !