La voix est le premier étendard d’un groupe. Une signature souvent indissociable. L’album solo d’un chanteur possède ainsi souvent une saveur assez particulière.
L’impression de découvrir le nouveau Radiohead est inévitable (un producteur commun aussi !). Ou tout du moins des chutes de studio. Car l’album de l’oncle Thom semble être apparu de manière imprévisible, en souhaitant utiliser un matériau écarté (depuis quelques années selon l’intéressé) mais pourtant pertinent. Librement. Naturellement. Spontanément.
Loin du cirque médiatique que provoque désormais irrémédiablement son combo, quoi !
La limite classique de cette démarche est généralement un manque d’ambition dû à un manque de contraintes. Ne cherchons pas à prétendre le contraire, c’est un peu le cas ici…
Peu de surprises donc. Les ambiances développées par le combo d’Oxford depuis quelques années et ses recherches permanentes sont omniprésentes. Nous sommes très proche d’un « Kid A ». Version intime.
Si certains ont pu, à juste titre, rêver d’un Thom Yorke en ascète torturé via des mélopées faméliques prenant leurs racines dans les sections acoustiques chères au groupe ou dans les échos d’une lointaine « Pyramid Song », « The Eraser » indique rapidement sa ligne directrice. Une ligne dans la continuité de l’hypnotique « Idiotheque » (cf. le très réussi et plus développé que les autres « And It Rained All Night »). En moins épileptique tout de même.
Un tapis de rythmiques électroniques et discrètes recouvert de piano déconstruit (« The Eraser »), d’ambiances orientales (« The Clock »), de sonorités analogiques, de bip et de blop (« Skip Divided », presque parlé, « Cymbal Rush » et son apparition rythmique fantomatique, irrésistible…). Peu de guitare, peu d’envolées empathiques. Un album assez uniforme dans le style mais séduisant, ne serait-ce que par la grâce insondable de son auteur (le presque groovy et soul « Harrowdown Hill »). Un album finalement proche de ce que l’on pouvait imaginer, très électronique. Qui s’insinue lentement, tel un serpent pernicieux. Libérant encore un peu plus un Thom Yorke autonome, sûrement un peu las des proportions prises par son groupe nourricier.
Un album qui ne manque pas d’audaces et riche en traitements et recherches sonores. Tout juste lacunaire en enrichissements harmoniques marquants. Cela tombe bien, cela n’était probablement pas le but.
Et cela aurait alors peut-être été marqué du sceau Radiohead, non ?…
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