Chaque groupe possède son propre leitmotiv, son concept plus ou moins récurrent. Chez Trust, force est de constater que celui-ci possède une singularité puisque reposant essentiellement sur la notion de split et de reformation. En effet, depuis ce concert de Ploubalay de juillet 1985 où Bernie annonçait publiquement à la fin du concert la (première) dissolution de ce que l’on peut aisément considérer comme l’un des groupes phares de l’histoire du (hard) rock français, les multiples reformations se sont succédées sans réelles convictions. Seul peut-être le double live Paris by Night soulignant la première reformation et enregistré en 1988 possédait en germe les ressources nécessaires pour convaincre un public frustré de ne posséder quelques traces scéniques du Bulldozer. Encore que, le live Répression dans l’Hexagone paru en 1992 et retraçant à merveille la tournée de l’album Répression (1980) a eu vite fait de reléguer son homologue de 1988 aux oubliettes.
Mais voilà, à force de se défaire, de se refaire, de se redéfaire encore et re, Trust est devenu le fantôme de lui-même. Fantôme uniquement constitué d’un passé, certes glorieux, mais néanmoins devenu obsolète et surtout poussiéreux. Après la reformation de 1996 qui avait vu la parution de deux albums Europe et Haines, puis Ni Dieu Ni Maître, on se demandait combien de temps allaient bien pouvoir tenir Bernie et Nono avant de se tirer dans les pattes ! L’affaire n’a pas traîné ! A peine quelques semaines après la parution de Ni Dieu Ni Maître, l’un des deux protagonistes menait son compère en justice afin que le dit opus soit retiré de la vente. Et puis, on s’y attendait plus ou moins, en juin dernier, telle une nouvelle cyclique, l’info est tombée : Trust se reforme ! Ben voyons ! Les comptes bancaires devant être au plus bas, rien de tel qu’une reformation pour redonner le sourire au banquier.
Bon, ne gâchons pas notre plaisir, Trust de retour, après tout, ceci pouvait laisser présager de bonnes choses. A la condition que l’on ne se foute pas ouvertement de notre gueule ! Enregistré à Bobital, le 08 juillet 2006 lors du Festival des Terres Neuvas, ce nouveau live est déplorable à plus d’un étage ! Rien que le titre et sa pochette en disent long sur les intentions d’un Bulldozer rouillé ! Soulagez-vous dans les urnes ! avec en sous-titre « Campagne 2006 », respire un esprit adolescent devenu bien terne. Certes, on sait que Trust a toujours souligné un engagement politique et plus précisément vis-à-vis du citoyen, mais là où la chose était judicieuse par la (mauvaise) éthique véhiculée à la fin des années 1970, début des années 1980, le XXIème siècle a évolué, oubliant d’en faire profiter Trust dans son sillage. La pochette n’arrange pas les choses puisque ce poing serré semblant vouloir frapper un je-ne-sais-quoi ne trouve rien d’autre que du vide devant lui. Chacun son mauvais goût, mais déjà là où la tournée Insurrection dans l’Hexagone, soulignant la promotion, d’Europe et Haine voyait le groupe arborer fièrement un drapeau du Ché sur scène tels des adolescents pré pubères, ce nouveau leitmotiv semble marquer une régression inéluctable.
Pourtant l’affaire commence plutôt bien avec un Mitard excellent à plus d’un titre. Dynamique, aéré, agrémenté de quelques chœurs et autres structures du meilleur effet. Certes, le contexte du morceau appelle à une interprétation des plus « vitriolesque » mais Trust a trouvé ici un groove des plus séduisants. Est-ce le retour des vieux de la vieille que sont Vivi et sa basse ainsi que Farid derrière ses fûts ? Palace reste sur la même lignée et nous fait taper du pied ! On se dit que Trust tient le bon bout, et, d’ailleurs, Au nom de la race confirme notre impression première. Seulement voilà, ce concert aurait du s’arrêter ici et cet album ne contenir que 3 titres. On aurait alors parlé d’un CD single classieux, on se serait dit que Trust en avait encore sous la semelle, que l’avenir pouvait laisser entrevoir des choses intéressantes…………….....................mais non, malheureusement, cet album contient 12 autres titres, dont 3 inédits studio du plus mauvais goût !
Et le massacre commence avec Fatalité. Lorsque l’on connaît la pulsion inhérente à la version studio, on ne peut que se dire que Trust a le projet de postuler chez Sevran tant l’interprétation proposée ici est d’une mollesse et d’une dimension aseptisée ahurissante. Incroyable comme les géniteurs d’une telle bombe ont pu sombrer dans une guimauve de seconde classe ! Histoire d’enfoncer le clou, le groupe propose ensuite pas moins de 4 titres issus de sa période créative (sic !) creuse dotée d’une interprétation totalement digne d’un orchestre de samedi soir, dans un village de province, sous la pluie où une dizaine de types, bières à la main, se passent le temps comme ils le peuvent. Et le summum se pointe avec Instinct de Mort ! Titre directement inspiré du livre écrit par Jacques Mesrine dont on se doute que le contenu n’a rien d’une balade aux pays des Schtroumphs ! Du moins, est-ce ainsi que nous pourrions appréhender la chose lorsque l’on a en mémoire la version studio originale. Mais non, Trust en a oublié son esprit vindicatif et propose ici une nouvelle race de guimauve fleurant à l’excès le politiquement correct. Police Milice tente de redresser la barre, et y parvient de façon illusoire, le bâteau……… euh, le Bulldozer a sombré depuis bien longtemps et ce n’est pas le meddley Préfabriqués - L’Elite - Bosser huit heures qui fera office de bouée de sauvetage. Que dire encore d’un Antisocial poussiéreux à souhaits ? Qu’il doit être dur de traîner un tel classique, résonnant comme une vieille gamelle, trop ancré dans les mémoires pour être sincère ! Bref, on tient sans doute ici la plus mauvaise galette que Trust a pu offrir à ses fans !
Question ! Certains d’entre vous étaient certainement à Bobital en juillet dernier. D’autres encore possèdent peut-être le bootleg de ce concert. Rien ne vous a choqué entre la set-list de ce concert et le produit proposé ici ? Certes, exit Le temps efface tout ! Exit le meddley Saumur - Ride On - Ton dernier Acte ainsi que Sors tes griffes et Surveille ton look. Mais surtout, comment expliquer la présence ici, sur ce CD, d’un meddley incluant un extrait de Préfabriqués alors que ce morceau a été joué en entier lors de ce concert ? Technologie du bidouillage…………. Quand tu nous tient !
Je ne vous ai pas parlé des 3 derniers morceaux studio inédits, enregistrés pour l’occasion. Il n’y a rien à en dire ! Un petit groupe, répétant dans un garage aurait sans doute fait mieux ! Le parolier talentueux qu’était Bernie est redevenu un anonyme du nom de Bernard Bonvoisin !
J’oubliais, Bernie nous incite à voter !
Putain, je rêve !