Un concert énorme ! Dans tous les sens du terme… Entre 15 et 18 000 personnes pour la configuration maximale d'une Halle qui a rarement connu telles qualités sonore et visuelle… depuis Peter Gabriel, au moins !

Difficile de décrire une telle expérience sensitive tant le trio (qui nous épargne, cette année, les pénibles choristes de la tournée précédente) est passé maître dans l'art de la mise en scène et de la progression dramaturgique, à nouveau aidé, il est vrai, par l'exceptionnel Anton Corbijn à la direction artistique et visuelle !

D'une scène à la fois néo-futuriste et un brin rétro, un robot-sphère laissant défiler de sibyllins messages numériques (Love, Pain, Angel, Lament…) et des pieds de claviers « navettes spatiales », DM sait faire jaillir des vagues d'émotions contenues et embraser les cœurs ! La machine est diaboliquement implacable, savamment dosée et rôdée. Chaque morceau vient installer une ambiance, les écrans intervenant successivement pour, au final, créer un saisissant et éblouissant mur de couleurs, kaléidoscope hypnotique à travers lequel chaque photon vient se télescoper avec son voisin et créer un sens presque chamanique !

C'est bien simple, chaque titre devient une œuvre autonome, avec son ambiance propre. Du rougeoyant « Damaged People » aux néons d' “I Feel You”, des pictogrammes d' “Enjoy The Silence” (vous savez ce que signifie transat en langage DM…) aux croix christiques de « The Sinner In Me » ! Il ne s'agit donc pas de simples projections préenregistrées mais bien de créations à la volée, intégrant la réalité environnante. Et ce, bien sûr, en conservant une formidable force de suggestion, un formidable usage des outils graphiques les plus modernes ! Tout simplement un des trop rares groupes actuels à utiliser le live comme un élément créatif supplémentaire, et non juste comme une performance instrumentale dans laquelle, de toute façon, ils excellent ! Vous en avez pour votre argent, pas de soucis à se faire :o)

Mais si ce n'était que ça ! Car tout le reste est au niveau ! Le charisme toujours aussi éblouissant du sublime Dave Gahan pour commencer. Un Dave qui sait diablement jouer de son corps de (plus si jeune) éphèbe imberbe mais néanmoins fort tatoué :o) Dès la moitié du show, c'est torse nu et couvert de sueur que notre homme se contorsionne et fait couler le rimmel. Les murs se souviennent encore de ses « Oh Yeah ! » déclenchant clameurs et salves d'applaudissements spontanées !
Martin Gore n'est d'ailleurs pas en reste, l'ange noir (ailé !) tout d'abord coiffé d'un remarquable bonnet-crête ( ?!) ravit, comme d'habitude serions-nous tenté de dire, de sa voix délicate (contre-point idéal à la saine arrogance de Mr Gahan) la foule extatique durant un salvateur break atmosphérique (cette version de « Home » !) prolongé par un « I Want It All » pourtant un peu faiblard en studio mais ici sublimé par une splendide mise en image et une retenue toute Gahanesque touchant au divin !
Même le backing-band (enfin, ils ne sont que deux !) est au niveau ! Le puissant mais fin Christian Eigner à la batterie démontre que la musique électronique est définitivement faite pour la scène, à condition d'y apporter les nuances sensitives nécessaires.

Alors voilà, même en modifiant radicalement la setlist de la tournée « Exciter », l'équilibre est à nouveau pleinement atteint ! Les nouveaux morceaux (surtout en début de concert) frappent dans le mille, définitivement un très grand disque ce « Playing The Angel » - lire la chronique ici, sept extraits avec mentions spéciales pour « Suffer Well » et surtout « The Sinner In Me ». Seule surprenante déception, le single « Precious » ! Le tempo ne convient pas, cela ne décolle étrangement pas ! Un autre regret, l'absence de « Nothing's Impossible », mon petit préféré :o) Pour le reste, les très gros standards sont bien là (faut-il les présenter, regardez donc la setlist !) tandis que de nombreux morceaux moins joués sont fièrement exhumés : « A Question Of Time », « Behind The Wheel ». De vraies surprises.

Incroyable, quasi aucun extrait de « Exciter », seul le « Goodnight Lovers » final venant conclure de manière originale car lente et recueillie (Martin & Dave, seuls au bout de l'avancé scène) un show débridé et sûrement plus rock qu'à l'accoutumée, tout en gardant l'importante saveur atmosphérique spécifique au groupe. Une paradoxale réussite ! Décidément, un équilibre presque scientifique, « Walking In My Shoes » arrivant à point nommé pour allumer un premier incendie ! Car si le public lyonnais est plutôt resté sagement observateur durant les dix premiers titres c'est pour littéralement imploser en vol dès les premières notes et les premières projections de « I Feel You », véritable highlight de la soirée !

Dès lors, tout bascule et Lyon mange dans la main de Dave Gahan qui, pas rat, nous remercie en faisant monter sur scène deux demoiselles médusées à l'entame du désormais mythique et référentiel « Never Let Me Down Again » - information prise, il semblerait qu'il s'agisse de la fille de Fletch et d'une de ses amies. Une bombe ce titre ! Et des milliers de bras, à l'unisson, qui se balancent en rythme, encore et encore…. Et la fin de « Everything Counts », a cappella… Et le kitsch savoureux de « Just Can't Get Enough »… Le stade de Gerland n'est pas loin de la Halle. Est-ce pour cela que la salle brûla ainsi en ce froid samedi de février ? J'ai tendance à le penser, pardonnez-moi… ;o)

Voilà...Voilà pour l'éblouissante démonstration d'un groupe sans concurrence ! Au sommet depuis longtemps et pour longtemps. Inutile de trop chercher d'explications… Never Let Us Down…