Festival Rock in Opposition - Cap Decouverte le Garric - (13/14/15 avril 2007)
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Guapo

Les quatre musiciens (bassiste, guitariste, claviériste et batteur) arrivent modestement sur scène sous les ovations du public déjà très nombreux en ce début d’après-midi. Le guitariste a un look très proche des membres de The Mars Volta, avec une chevelure bien fournie donc. Pas un mot, le concert débute sous un déchaînement apocalyptique d’une puissance assez impressionnante.
Même si leur musique est plus axée « post-rock » que RIO, leur appartenance au mouvement avant-gardiste n’est plus à prouver. La batterie guide clairement les compositions et nous apparaît en tant que point de repère pour atteindre un monde façonné par les autres musiciens, à la fois torturé, psyché et fascinant. Tous les regards vont vers le claviériste – qui adopte une transe communicative - et le batteur qui donne une autre dimension aux compositions et les amène vers de nouveaux sommets. Leur musique studio semble diviser les foules, mais tout le monde est d’accord pour dire que les sommets atteints par Guapo en live sont très convaincants et prometteurs. Le batteur insuffle une puissance aux titres par des cassures et des variations bien senties qui prouvent que ce groupe est déjà d’un très haut niveau. Le bassiste et le guitariste, quant à eux, sont aussi discrets scéniquement qu’intenses musicalement. Leur jeu à la fois planant et dérangé est en adéquation paradoxale avec la folie sans retenue de leur musique.
Le point d’orgue de ce concert se situe au milieu d’un titre déjà très long, où les membres du groupe (excepté le bassiste) sortent de la scène, avec un sorte de piano à bec (ne me demandez pas le nom précis !) et passent parmi le public dans une atmosphère assez particulière. Le batteur portait une cymbale et la faisait sonner à intervalles réguliers par dessus un sample, nous donnant l’impression d’un sonneur de cloches somme toute assez glauque. Le concert se finira sous une autre déferlante progressive et sous les ferventes acclamations du public. Assurément la découverte d’un nouveau talent pour beaucoup d’entre nous, encore sous le choc d’une telle prestation…


Mats & Morgan Band

Le set est introduit par le batteur Morgan Ågren, qui nous livre d’entrée de jeu un solo tourbillonnant qui calmera les plus perplexes… Ces suédois ont de sérieux bagages derrière eux et n’ont plus grand chose à apprendre au niveau technique. Ce concert est un événement pour le groupe, qui joue pour la première fois avec leur nouveau bassiste, qui officiait auparavant chez Meshuggah (groupe déjà très proche du Mats & Morgan Band, du fait de leurs collaborations). Bien sûr, ce dernier fût à la hauteur, nous assénant même des parties très techniques prouvant toute la maîtrise instrumentale du bonhomme.
A noter que le groupe se produisait en trio, et non en quintet. Pour eux, cela permet d’aérer leur musique et de privilégier l’efficacité à la démonstration. Cela se sent à l’écoute, et la cohérence de l’ensemble est assez bluffante. Le jeu du claviériste Mats Öberg est évidemment très influencé par Frank Zappa, donc assez particulier et plutôt axé « fusion ». Le batteur, quant à lui, ne délaisse pas ses syncopes et autres roulements de grosse caisse de métalleux, mais il reste dans l’esprit des morceaux et leur apporte beaucoup, car son rôle est prépondérant dans la musique du combo. Toutefois, on voit que tout au long du set, le groupe aura quelques problèmes techniques qui ne gâcheront finalement que partiellement l’efficacité de leur musique. L’humour et l’autodérision est très présente, en témoigneront les nombreuses facéties que nous livreront ces joyeux nordiques. Bref, un très bon moment de bonne humeur et de maîtrise musicale, à retenir donc. Morgan dira à la fin du concert que c’était un honneur pour lui de pouvoir être présent à ce festival, et il ne cache pas son admiration pour Present et Magma, qui dit avoir écouté « pendant toute son enfance » !


Present

On passe clairement à la vitesse supérieure. Le public est entièrement acquis à la cause du groupe, en témoignent les nombreux applaudissements à l’entrée des musiciens. L’instrumentation est très complète : le passe-partout Dave Kerman à la batterie - qui nous fera une fabuleuse démonstration de toute sa technique et sa rigueur légendaire -, puis un saxophoniste, violoncelliste et un claviériste tout bonnement hallucinant.
Le bassiste, qui sait se faire hargneux, a révélé tout son talent lors des nombreuses parties qui étaient à son avantage au niveau technique. Réginald Trigaux est quant à lui très concentré et fidèle aux compositions de son père. Vient enfin Roger Trigaux, le symbole de l’identité du groupe, et le seul maître à bord. Il se fera assez discret musicalement, préférant dévoiler sa folie lors des passages vocaux tourmentés tirés de No. 6. Viendra ensuite le grand moment que tout le monde (ou presque !) attendait : le morceau Promenade Au Fond d’un Canal, leur titre culte de 20 minutes tiré de leur premier disque sorti en 1980…
La déferlante ne se fit pas attendre… Roger Trigaux se déplace vers le milieu de la scène, et tel un chef d’orchestre, il commence le décompte des mesures et guidera toute l’exécution du titre, tel un gourou dirigeant ses fidèles vers d’obscurs horizons... L’orchestration est fidèle au dernier disque live, c’est à dire très différente de la version originale, à la fois plus torturée et plus violente. Certains chœurs, exécutés par Réginald, mettent en lumière toute l’évolution du groupe et leur cohérence scénique. Avant la partie finale du morceau, un gaillard fait son apparition, vêtu comme un travailleur inépuisable, et donne le tempo en frappant une clef plate géante contre une barre de fer, afin de renforcer l’aspect froid et industriel des compositions, qui font toute la grandeur du groupe. Le crescendo final est très impressionnant, Dave Kerman frappant ses fûts avec une chaîne et Roger Trigaux, en état second, détruisant sans amertume sa guitare et son synthé. Fin du set, éprouvant mais inoubliable, un très grand moment musical et une claque indélébile pour ma part.


Magma

Le grand moment est arrivé. La batterie imposante du « messie » Christian Vander révèle sa présence au beau milieu de la scène, avec ces fameuses cymbales très haut perchées. Les membres du groupe arrivent un par un, acclamés par un foule aux anges avant même d’avoir entendu une seule note. Et les premières notes de Köhntarkösz résonnèrent… ainsi un grand moment débuta. L’introduction nous familiarise progressivement avec l’univers kobaïen, et nous montre que même plus de trente ans après la sortie de la version originale, la puissance de l’exécution est toujours aussi dominante. La partie des solos de guitare et de basse est bluffante de maîtrise et d’émotion. Le toucher du guitariste, tout en étant fidèle à l’original, révèle tout le génie de composition de Vander, qui reste la référence du genre.
Malgré un son loin d’être parfait, « l’expérience Magma » prend tout son sens en live et on se retrouve hypnotisé par les incantations kobaïennes, sans vouloir jamais sortir de ce monde utopique… Vient ensuite Emëhntëht-Rê, que beaucoup de personnes découvraient, le titre n’ayant pas encore été enregistré en studio. Encore une pièce faussement calme, qui se déstructure peu à peu travers des sections complexes fabuleusement exécutées. Le groupe est déjà bien rôdé sur ce titre, qui est entièrement acquis par chacun des musiciens bien qu’il ne soit joué en intégralité que depuis peu de temps. Vander est toujours au sommet, et le jeu scénique des chœurs - qui avancent tour à tour sur le devant de la scène en fonction de leur rôle - est très agréable à regarder.
Le recueillement quasi général est de mise dans la salle, tout le public semblait en communion avoir rejoint le monde de Kobaïa… Après une fin apocalyptique, le groupe se retire de scène, sous une ovation amplement méritée. Stella Vander revient ensuite à sa place originale et présente les musiciens, en précisant qu’un membre avait rejoint le groupe il y a peu. C’est la ballade sans nom qui clôturera le festival sur une note douce et mélancolique. La voix de Vander n’en est pas moins bouleversante, car son interprétation sans faille, alliée à son charisme légendaire, en font un moment unique. Une conclusion de haute volée pour un événement inoubliable…

Le rendez-vous est pris pour l’année prochaine !

PS : N'étant présent que le dernier jour du festival, tous les groupes à l'affiche ne sont donc pas chroniqués...

 
par Jérémy
le 19 avril 2007
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