Depuis leur tout premier EP en 1997, les Silly Fools se sont établis comme les véritables leaders de la scène rock de Thaïlande. A ce jour, six albums, un ep, un double live et deux compilations ont vu le jour confirmant leur talent à mélanger la douceur de ballades pop dont raffole le public thaï à un metal alternatif de bon ton.

2006 vit le groupe connaître un véritable séisme quand son chanteur, Natapol Puthpawana, dit "Toe", décida de quitter le groupe car il se refusait à continuer de jouer dans des salles où de l'alcool était en vente du fait de ses convictions religieuses (Toe est musulman). Il fut bientôt remplacé par l'américano-coréen Benjamin Jung Tuffnell auparavant membre du groupe Metropol dans lequel il sévissait depuis son arrivée, pour des raisons professionnelles, en Thailande.

Ce changement de line-up s'avéra d'une décisive influence pour les Silly Fools qui, non seulement, eurent pour la première fois la perspective d'entamer une carrière internationale (encore en gestation) après avoir accumulé tant de succès "à domicile" mais, aussi, par le style de chant radicalement différent pratiqué par Ben. En effet, là où Toe s'exprimait dans un registre plutôt aigu, idéal tant pour les sucreries pop que pour les déchaînements metal, Ben rappelle plus un Eddie Vedder ou un Layne Staley (Pearl Jam et Alice In Chains pour ceux qui ne suivent pas). C'est ainsi que EP "Mini", sorti en janvier 2007, confirma la mue du groupe en une formation post-grunge de qualité bien que leur son et leur style demeura reconnaissable.

Et voici donc le successeur de cet EP, le tant attendu "The One". Pour le moment seulement disponible en Thaïlande, il propose 10 titres pour un (petit) total de 40 minutes. Le morceau introductif, "Moving On", est surprenamment proche du Silly Fools de Toe : riff metal alternatif, mélodie pop à refrain accrocheur, rythmique parfaite de puissance et de technique. On note tout de même un côté plus heavy et nettement plus adulte que ce que le groupe a su, auparavant, proposer et Ben, avec sa voix plus masculine que celle de Toe, n'est pas étranger à cet état de fait. "No Regret", le titre suivant, creuse le même sillon en alternant cependant couplets plus calmes et refrains enlevés pour une égale efficacité mélodique. La power ballad qui suit, "Enough", démontre à quel point ce changement de vocaliste a influencé la mutation des Silly Fools. Ainsi, la voix de Ben donne plus de corps à la composition que ce qu'aurait jamais pu rêver en faire Toe. On remarque aussi la brillante intervention lead du guitariste Jakarint Juprasert (alias "Ton"). Le reste de l'album s'égrène, alternant douceur et lourdeur, avec la même satisfaction de voir le groupe fidèle à son style mélodique accrocheur tout en ayant su se renouveler avec talent et intelligence afin de ne pas se répéter.

Alors, évidemment, la musique des Silly Fools n'est pas révolutionnaire... On a, en quelque sorte, affaire à une version thaïe de Staind (ou ce genre de groupe). Le particularisme thaï rajoute cependant un plus notamment dans leur goût pour une immédiateté mélodique décontractée qui manque trop souvent aux formations américaines, l'héritage de la thaï pop en quelque sorte... Et, comme la compétence de ces instrumentistes n'est pas à remettre en question et que, de plus, la qualité cristalline de la production (pour la première fois assumée par le groupe lui-même) offre à ces dix compositions un parfait écrin, il serait malvenu de bouder son plaisir. Pour tout dire, les Silly Fools n'ont pas à rougir de la comparaison qui est, à mon humble avis, souvent à leur avantage.

On a donc, ici, un album avec un fort potentiel commercial sans, cependant, apparaître comme un bête produit marketing, amoureusement travaillé qu'il l'a été par quatre artisans parfaitement compétants et inspirés. On a donc la confirmation, si il en était besoin, que Silly Fools est un groupe que seule sa situation géographique atypique empêche encore d'avoir l'écho qu'il mérite et qui pourrait, si on lui en donnait l'occasion, rivaliser avec les meilleures formations de pays plus exposés. Je vous défie, par exemple, de trouver une formation française musicalement équivalente qui les égale...

Reste à leur souhaiter qu'un A&R, flairant la bonne occasion, leur offre l'opportunité d'éclater au grand jour internationalement. Ils le méritent !



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