A ma connaissance, tout passionné de musique aime à faire des listes. Il aime comparer, ordonner l’objet de sa passion. Parmi toutes les listes possibles et imaginables, celle qui semble revenir le plus souvent reste la liste des meilleurs guitaristes du monde. Bien sûr, on s’attend à retrouver certains noms dans cette liste, avec une prédominance pour ceux qui jouent vite et technique. Dans ma liste personnelle, il s’y trouve toujours un guitariste qui joue... lentement (ce qui ne l’empêche pas d’être un excellent technicien) : Bill Frisell.

Bill Frisell fait partie de ces musiciens discrets mais qui gérent avec assurance leur carrière en passant régulièrement d’un projet à un autre. Depuis deux décennies, il enrichi sa discographie presque tous les ans avec constance en terme de qualité et une propension remarquable à se renouveler, tout en faisant grosso modo… la même chose.

Le nouvel opus du bonhomme est donc le bien nommé History Mystery. Nous avons là affaire à un double album enregistré en octet avec Eyvind Kang (Viole), Jenny Scheimann (Violon), Hank Roberts (violoncelle), Greg Tardy (Saxophone), Ron Miles (Trompette), Kenny Wollensen (batterie), Tony Scherr (basse) ; ses collaborateurs habituels en somme. La plupart des morceaux ont été enregistrés live puis re-travaillé en studio.

C’est peu de dire qu’il s’agit d’un très bel album. Comme d’habitude, on y retrouve peu de solos, mais plutôt une ambiance très particulière et propre à Frisell. Cette musique reste pleine de paradoxes, à la fois nostalgique et moderne, lente et tonique, planante et narrative.

L’orchestration très riche, inventive, mariant cordes, bois et cuivre le tout accompagné par la guitare aérienne de Frisell nous emmène en voyage dans une sorte d’amérique imaginaire (la tonalité country est comme toujours chez Frisell très présente). La légèreté de l’instrumentation, jamais dans l’esbrouffe ni le m’as-tu-vu, permet l’évocation de sensations à la fois douces et fortes. La finesse des musiciens, leur délicatesse, facilite l’émergence, au détour d’une mélodie, d’une émotion vraie.

Impossible de dire qui se détache le plus, car tout le groupe fait corps avec les compositions du leader, mettant tous leur personnalité au service de la musique – Frisell y compris.

Il est évident que l’album raconte une Histoire, laquelle ? Mystère. C’est à chacun d'imaginer la sienne en se laissant guider par les nombreuses ambiances parcourant les deux disques.

History, Mystery est un très beau voyage chaudement recommandé !