Lorsque le premier album de Blackmore’s Night, Under a violet Moon, est sorti, j’ai pensé que l’homme en noir s’était offert une gentille récréation mais rien de bien excitant. Je me rappelle alors ma colère lorsque le deuxième album est arrivé car cela signifiait la fin de Rainbow et probablement la fin du Blackmore soliste génial (qu’il est souvent).

Depuis dix ans, j’ai donc suivi de (très) loin sa nouvelle carrière pensant que la beaux yeux de sa belle nous l’avait détourné de toute musique saturée et héroïque, et donc définitivement assagi. Puis, je fus attiré par l’album The Village Lanterne sorti en 2006 par la reprise du fameux Child In Time et là j’ai finalement compris !

En fait, même si la musique de son nouveau groupe peut paraître plus abordable que ce qu’il faisait avant, Blackmore a eu une très bonne intuition en continuant dans cette voie. En effet, lorsque l’on regarde ce que font ses anciens cothurnes, on ne voit guère que des redites et des gens qui gèrent leur carrière alternant albums moyens et albums très moyens mais ne prenant surtout aucun risque. Il est fort probable que Blackmore aurait fait de même avec Rainbow répétant inlassablement les mêmes motifs et les mêmes clichés.

Blackmore’s Night, dans cette optique, loin d’être un groupe pépère est un vrai risque artistique dans la carrière du guitariste de Deep Purple. Et même s’il n’y a plus d’électricité (ou pas beaucoup), je soupçonne le grand Ritchie d’aimer profondément ce qu’il fait maintenant.

Le projet Blackmore’s Night lui a permis de se renouveler sans perdre de sa personnalité. L’objectif de ce groupe, on le sait, est de faire des chansons rock avec des instruments d’époque, une sorte de pop-music du moyen-âge.

C’est ce cocktail que l’on retrouve sur ce nouvel opus Secret Voyage. L’album alterne donc des chansons rock (du genre époque Rainbow de Joe Lynn Turner – Locked within the Crystal Ball ou la reprise Can’t Help Falling In Love) et chansons plus typées moyen-âgeuses basées sur des thèmes traditionnels. Certaines ont même des rythmes que l’on ne pensait pas retrouver sur un album écrit par Blackmore (Toast to Tomorrow). Mais, le dispositif instrumental assure un son cohérent et joliment désuet sur la totalité du disque. Cet aspect désuet, classique, est aussi présent dans l’architecture globlale puisque le premier et le dernier morceau reprennent le même thème musical.

La star reste bien évidemment Blackmore ; on ne se refait pas ! Lorsqu’il empoigne sa Stratocaster, on retrouve son doigté magique – à ce sujet Locked within the Crystal Ball comprend un très bon solo. Lorsqu’il joue d’instruments acoustiques, son touché de ses arpèges font mouche sur cet album particulièrement varié.

Il faut cependant s’habituer à la voix de Candice Night qui est très agréable mais dont certaines accentuations nécessitent plusieurs écoutes pour s’habituer.

A noter : Ritchie Blackmore profite de ce groupe pour dépoussiérer quelques pièces de son ancien répertoire (Child in Time, on l’a dit mais Black Night, Soldier of Fortune ou Street of Dreams ont déjà eu l’honneur d’être revisités). Ce coup-ci la reprise choisie, c’est le très beau Rainbow Eyes dont le traitement plus électrique que l’originale est une réussite.

Evidemment, nous sommes loin de la démesure et des rythmiques effrénées que l’on pouvait trouver chez Deep Purple et Rainbow mais la démarche artistique est très intéressante et le résultat très réussi, abordable par le plus grand nombre, ce qui ne gâche rien. Ce n’est probablement pas le chef d’œuvre du guitariste mais cela s’écoute avec un plaisir toujours renouvelé.