Mercredi 17 septembre 2008, le froid s'est soudain abattu sur la France, sinistre signe que l'hiver sera long, rude et qu'il faudra, avec force kros éventées et cafés tiédasses, tenir encore longtemps avant de retrouver la salvatrice chaleur de l'astre solaire... Grelottant et fatigué (et ne sentant pas très bon), une homme usé pousse la porte de son estaminet favori :
Mitch : Salut, tout le monde ! Tiens, patron, mets-moi un spaghetti-boulettes et une mousse !
Oh, Stefan, tu as l'air bien absorbé ? Tu recherches la date du dernier beau match du PSG, ou quoi ?
Stefan : Hein ? Quoi ?
Non, non... (rires) Je me demandais jusqu'où on pourrait aller trop loin... Franchement, j'suis deg' !
M : Allez, on ne va pas encore se fâcher, parlons plutôt du nouveau Metallica ! Je suis sûr que tu l'as déjà bien dans l'oreille, vu qu'il est sur le net depuis 10 jours avant sa sortie officielle (merci le disquaire parisien qui l'a vendu en avance...).
S : Oui, ben, justement, parlons-en...
Vendredi matin, plein d'allant et d'enthousiasme - Hé ! Fais pas cette tête, ça m'arrive aussi d'être plein d'allant et d'enthousiasme ! - je vais à la keufna pour acheter le nouveau Metallica, machin magnetic là... Bref, je suis tout content, toute la journée sur mon petit nuage sachant que, le soir, je vais pouvoir me prendre une bonne dose de thrash metal comme quand j'étais jeuns !
Arrivé à la maison, je me précipite sur la hifi, j'extrais fébrilement le cédé de sa capote protectrice et je le glisse dans le machin. J'appuie sur play et là... La cata ! Je me prends en pleine tronche une espèce de machin sur amplifié, tout plein de saturation et de compression. J'ai failli en pleurer de rage !!!
Je me disais que les "mpeutroi" crapoteux qu'on avait eu avant l'étaient, mon c*l oui ! C't'une honte !!!
M : Franchement, le son, je m'en tape un peu ! Je suis tellement heureux que Metallica ait été capable de sortir d'aussi bonnes compos, que le son est un peu secondaire... Et puis, on stigmatise le son de St Anger, alors que son problème, c'est la mauvaise qualité des morceaux. Quand tu as affaire à un Grand morceau, le son importe peu, à mon avis... Tout le monde est d'accord pour dire que ... And Justice For All a un mauvais son ; pourtant, quand tu écoutes One, ce n'est pas à cela que tu penses, tu te laisses emporter par la magie de ce titre glauque et épique...
Tu crois que Rick Rubin a voulu nous en mettre "plein la vue" ?
S : Rubin ! Ha ha ha ha ha !!! Il parait qu'il a à peine pointé le bout de sa barbe dans le studio... De ce que j'ai lu, Môssieur Rubin envoie son ingé-son et retourne subito à ses "substances"... Si tu vois ce que je veux dire.
Enfin... Un truc pour lequel tu as raison c'est que ça fait du bien de réentendre le vrai Metallica ! Surtout après la diarrhée Shit Anger ! N'empêche, j'enrage que le son soit comme ça, ça met pas trop en valeur alors que les compos le méritent !
M : Bah, de toutes façons, Rubin n'a jamais été un "maître du son", il n'y a pas un "son Rick Rubin", comme il peut y avoir un "son Andy Wallace" ou "son Colin Richardson". Il est plus un "gourou" qui pousse les musiciens à se dépasser, et en ce sens, il a réussi sa tâche ! Je n'avais pas autant "triqué" sur des morceaux de Metallica depuis le Black Album ou même Justice ! Je ne les croyais plus capables d'écrire des riffs aussi intenses que sur "All Nightmare Long", des titres aussi groovy que "Cyanide", aux instrumentations aussi variées et prenantes que sur "The End Of The Line" ! C'est un peu comme s'il y avait eu une faille spatio-temporelle entre 1989 et 2008 ! Il y avait de bonnes choses sur tout ce qu'ils ont fait entre temps (même si chaque album depuis Justice me plaisait moins que son prédécesseur), mais là, je trouve qu'il ont retrouvé une plénitude et une forme vraiment surprenantes !
S : Wow ! Le fan que c'est celui-là ! Mort de rire ! Hep, patron, un lexomil pour mon pote !!!
Blague à part, j'aimais beaucoup Load où je trouvais que Metallica avait réussi sa transformation et son passage de l'adolescence thrash à l'âge adulte plus rock. Ouais m'sieur !
Alors là, c'est vrai qu'on retrouve un Metallica qui se rapproche de celui de notre jeune temps, n'empêche, en l'écoutant, et en tentant de faire abstraction de la mise en son, j'arrive pas à me sortir du crâne que ça ressemble fort à une opération de marketing après l'échec de St Anger et, ben, ça me gêne aux entournures.
Regarde comment c'est foutu, on commence bourrin, y a la ballade de circonstance, l'instrumental de service (le gros point faible de l'album au passage) et l'assaut final... C'est du copié/collé de Ride The Lightning, Master Of Puppets et And Justice For All, sauf que ça ne vaut aucun des trois...
M : C'est bon ? Tu as fini avec les clichés ? Il te reste juste à dire que Lars est trop bavard, et on aura vraiment fait le tour ! ;-)
Moi, il me semble qu'ils sont simplement revenus à ce qu'ils savaient faire de mieux, et je me réjouis de pouvoir écouter un nouveau Metallica juste pour le plaisir, sans les excuser en me disant "en même temps, ils ont voulu expérimenter...", "bah, ils étaient vachement malheureux", etc...
En plus, même si ça tabasse pas mal, ce n'est plus vraiment du thrash, quand même. Ils utilisent tout le vécu rock et blues des Loads pour construire des riffs métal, mais aux influences boogy-blues ! Joue certains riffs de The End Of The Line sur un autre rythme, plus lentement, eh bien ce n'est rien d'autre que du blues ! On retrouve carrément l'esprit de "2x4", avec ses riffs lourds mais chantants, l'esprit ZZ Top ou Satch Boogie, en arrière-plan très lointain ! Enfin, du moins, c'est comme ça que je le ressens ! ;-)
S : Mouais, tu retireras quand même pas de l'esprit que tout ça sent la révérence au dieu dollar... Mais, t'as raison, on devrait se contenter de ce qu'on a et, en l'occurrence, un album qui fait du bien à entendre surtout que, tu ne vas pas me dire le contraire, on n'attendait plus ça d'eux.
Mais tu me connais, j'aime bien chercher la petite bête et comme, là, elle est plutôt du format éléphantesque j'n'ai eu aucun mal à la débusquer.
Tu vois, je crois que le plus gros problème de Metallica depuis vingt ans c'est que leur génie, celui qui les a fait progresser d'un gentillet groupe de heavy thrash vers quelque chose de nettement plus progressif et ambitieux a été écrasé par un bus en tournée...
M : Bah, ils en ont déjà tellement, des dollars... L'argent ne les a pas empêchés de sombrer au début des années 2000, et ça m'étonnerait qu"il suffise seul à motiver une telle résurrection... Car ce n'est pas un album facile, qu'ils ont fait là, il y a un tel boulot pour revenir à ce niveau de qualité et de cohésion ! On sent depuis 2006 et la tournée des vingt ans de Master, qu'ils sont de nouveau à fond dedans. A mon sens, James Hetfield est vraiment le maillon fort de ce "Death Magnetic", il tire le groupe en avant avec des riffs vraiment solides et une voix parfaitement expressive et concernée.
Pourtant, si on rentre dans le cas par cas, je te concède que Kirk Hammett, s'il ramène ses solos efficaces, ne fait que du Kirk Hammett, avec sa wah-wah et ses descentes de gamme, et que Lars Ulrich est un peu juste face aux batteurs de la jeune génération (métal extrême et métal prog en particulier). Mais enfin, quoi, ce disque est un vrai effort de groupe, et j'arrive vraiment cette fois à écouter des morceaux, du Metallica, sans être titillé par la performance individuelle. D'ailleurs, je n'ai même pas encore analysé la performance de Robert Trujillo, j'ai vraiment écouté les chansons dans leur ensemble jusque-là !
Sinon, à moins que tu ne veuilles dégainer une nouvelle polémique ;-), quels sont tes moments préférés sur cet album ?
S : Dégainer une polémique ? T'en as de bonnes toi ! Si on ne dit pas ce qui cloche comment veux-tu ressortir ce qui va ?
Pour moi le "baobab" de l'album, c'est le single, The Day That Never Comes. J'aime comme ça commence comme du Load et comment ça se transforme en bon vieux thrash période Master Of Puppets ou And Justice For All. Bon, Jaymz n'a plus la voix d'époque mais il s'en sort pas mal... Faudrait juste qu'il veille à ne pas trop s'installer dans ses "AH" de fin de phrases qui commencent franchement à ressembler à des tics... Sinon Cyanide est solide aussi, accrocheur mais puissant, je le pressens en second single.
J'ai aussi été très agréablement surpris par Unforgiven III. Quand j'ai vu le titre, je me suis dit qu'ils exagéraient vraiment mais, en fait, c'est une bonne ballade progressive... J'adhère !
Enfin, il y a All Nightmare Long dont j'ai apprécié la frontalité et l'efficacité des riffs...
Mais tout l'album est solide (sauf l'instrumental totalement inutile) et, finalement, à part le son, le seul truc que j'aurais à leur reprocher c'est de parfois rallonger un peu trop la sauce... Y a des titres qui auraient gagné à perdre 1 ou 2 minutes... The End of the Line par exemple.
M : Ben voilà, tu vois qu'on peut être d'accord, parfois ! ;-)
Bon, avant de reparler foot, je voulais juste ajouter que la phrase qui ressort du lot et symbolise cet album, pour moi, c'est "the slave becomes the master", répété quatre fois de suite dans The End Of The Line. L'esclave devient le maître, Metallica était esclave de plein de choses, de l'alcool, de ses relations humaines tordues, du confort, et il a su arracher ces chaînes, en faire une force et redevenir le maître de lui-même ! Oulah, je commence à dire des conneries, moi, Stefan, remets vite ta tournée ! ;-)
S : Patron ! La même chose !
Il est minuit passé, un crachin froid s'abat sur une rue sombre quelque part en France. Deux amis, bras dessus bras dessous, titubent joyeusement sur le trottoir glissant entonnant des "Die ! Die ! Die by my hand"... En l'an de grâce 2008, Metallica est de retour, faut que ça se sache boudiou !
NB: Malgré la signature cette chronique est le travail conjoint de Mitch et Stefan. |