Agua de Annique - Air (octobre 2007)
site officiel : http://www.aguadeannique.com/ - autre site : http://www.myspace.com/aguadeannique
1. Beautiful One
2. Witnesses
3. Yalin
4. Day After Yesterday
5. My Girl
6. Take Care of Me
7. Ice Water
8. You Are Nice !
9. Trail of Grief
10. Come Wander With Me
11. Sunken Soldiers Ball
12. Lost and Found
13. Asleep
 
Cela faisait quelques temps que l’on pouvait le pressentir. Anneke Van Giersbergen, Ze Voice Of Gathering, a quitté le navire il y a quelques mois de cela. En un temps record, la voici de retour sous cet énigmatique sobriquet de « Agua de Annique » (sponsorisée la flying dutchwoman ?).
La dame n’a jamais caché sa volonté d’indépendance et ses goûts musicaux très variés (jazz et autres). The Gathering étant visiblement un groupe formé de gens charmants et intelligents, la rupture semble s’être très correctement passée. Une rupture qui n’est d’ailleurs pas la première (même si, pour cette fois, la suite laisse un peu perplexe). Un premier chanteur, un second guitariste, un bassiste… Pourtant, le combo n’a jamais cessé de défricher les terrains. Ce qui fut souvent gonflé d’ailleurs. Abandonner des formules qui ont fait leurs preuves pouvant paraître assez suicidaire.
Il faut être honnête, Anneke fait partie de ces musiciens que l’on n’imaginait pas obligatoirement ailleurs. Pas un problème de capacité bien sûr. Plutôt d’univers, celui qu’ils abandonnent leur semblant tellement idéal pour eux. Une véritable magie ayant opéré. C’est toujours un choc…

Il est désormais loin le sextet qui déboula un beau jour avec le fondamental et fondateur « Mandylion ». Entraînant avec lui toute la vague « gothic / chant féminin » et assimilée. Le piège de l’enfermement fut vite balayé. Les référentiels « How To Measure a Planet » et « If Then Else » posèrent les nouveaux canons du groupe. Délicat, mélodique et aventureux en devenant de plus en plus moderne et exigeant sur les recherches sonores. Définitifs.
A trop vouloir se remettre en question et vouloir aborder des styles extrêmes, le combo se fourvoya avec le pourtant souvent très apprécié « Souvenirs ». Un album finalement très indigent, aux mélodies arides et aux méandres souvent insondables. Le début de la fin malgré un divin « Sleepy Buildings » acoustique et un ultime « Home » de très haut vol. On sentait le groupe en train de se répéter et un peu perdu au milieu de cet univers offrant tant de possibilités, de pistes que chacun devait sûrement envisager différemment. On peut imaginer quelques conflits de style. Des doutes. Une lassitude.
Personnellement, je conçois la perception qui peut être celle d’une jeune femme devenant mère qui traîne depuis 10 ans de salle de concert enfumée en tourbus étriqué. De hordes de chevelus headbangeants en décibels paroxysmiques…

Un bol d’ « Air »…
Facile mais réaliste.

Le premier album solo d’Anneke, même s’il s’apparente à celui d’un véritable petit groupe tant il a été conçu de manière collégiale, respire l’évidence, la simplicité et la respiration. Une musique épurée, très acoustique (basse, batterie, guitare, piano) mais avec de sérieuses pointes énergiques. Parfois même très « roots », « 70s » !

Bien entendu, une voix reste un élément de repère central. Certaines références à The Gathering apparaissent donc forcément comme sur les très beaux « Beautiful One » et « My Girl ». Le côté plus « rentre dedans » évoqué un peu plus haut est assez stupéfiant aux premières écoutes. La progression de « Witnesses » et les presque « jam » de « You Are Nice ! » et « Trail Of Grief ».

La rondelle, malgré quelques très rares longueurs (« Ice Water » ? Et encore… pas sûr), semble surtout articulée autour de morceaux dans lesquels notre imaginaire voyait déjà la belle. Des titres qui lui vont comme un gant. Ecrins d’un même diamant. De véritables chefs d’œuvre, déjà : « Day After Yesterday » (mélodie parfaite et trompette funéraire), la bouleversante reprise de « Come Wander With Me » (un côté celte/traditionnel/folk que Anneke avait déjà effleuré avec Ayreon et sur les faces B de « Kevin’s Telescope »), le contre-chant Morriconien de « Sunken Soldiers Ball », la collaboration vocale de « Lost And Found » et, de manière plus générale, tout le final de l’album. Introspectif, intime, mélodique, sobre, velouté, enveloppant et planant, chaleureux tout en restant concis, pertinent, sans bavardages.

C’est bien simple, Anneke semble avoir réussi ce que The Gathering n’aurait sûrement pas pu faire. En gardant assez de points communs, d’attaches, tout en distillant la dose parfaite de différences, de nouveautés. Le tout sous couvert de son « habituel » spectre émotionnel.
Spectaculaire.

Un album débordant de charme et de saveurs. Rafraîchissant mais profond, carrément emballant et qui pourra même réconcilier les éventuels déçus des derniers Gathering avec cette voix absolument parfaite. Celle d’un ange. Après l’anthologique dernier PJ Harvey « White Chalk », encore un album postulant à une forme d’éternité. De panthéon personnel. Et ce n’est qu’un premier essai. Ce n’est qu’un début.
 
par Christophe
octobre 2007
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