Cela devait bien finir par arriver... Rammstein montre la première fêlure dans son armure blindée et livre un album contrasté qui ne va pas manquer de diviser les fans.
Après quatre LP explosifs et une montée en puissance inexorable, symbolisée par l'énorme succès mondial et français de "Reise, Reise" (2004, lire la chronique
en cliquant ici), les six allemands remettent le couvert (étonnamment ?) rapidement, avec un album composé pour moitié de morceaux issus des sessions du précédent opus. Le groupe n'a jamais travaillé aussi rapidement, et l'absence de tournée promotionnelle, ajoutée à la longue pause à venir et aux tensions qui rêgnent entre les membres, nous amèneront forcément à nous demander si Rammstein n'a pas voulu "se débarraser" de ce Rosenrot.
En effet, ce dernier se montre, dans l'ensemble, moins percutant et moins innovant que ces prédécesseurs.
Plusieurs titres sonnent commes les tubes traditionnels du groupe, avec rythmique martiale et chant guttural : "Benzin", puissant et classique, simple et efficace avec son intro envoûtante et ses orchestrations symphoniques sur les refrains ; "Rosenrot", avec son alternance un peu facile de couplets calmes et linéaires, et de refrains saturés ; "Zerstören" ("détruire" !), très rentre-dedans, avec sa voix féminine arabisante, son riff entêtant, et sa fin en guise de berceuse sur un microsillon qui craque.
Deux morceaux en particulier recèlent d'un potentiel commercial évident : "Stirb Nicht Vor Mir / Don't Die Before I Do", surprenant, pop et léger, taillé pour les radios, avec la présence anachronique mais réussie de Sharleen Spiteri, la chanteuse de "Texas" (!), ainsi que "Te Quiero Puta", futur hymne catchy et sensuel, avec son chant en espagnol, ses bruitages western, ses sonorités latines et ses trompettes mariachi ! A côté de cela, nous sommes confrontés à quelques titres visiblement peu inspirés, sur lesquels il ne se passe pas grand chose d'exceptionnel : un "Spring" au tempo lent et lourd, ou encore un "Feuer Und Wasser" également assez tiède.
Mais ce qui surprend le plus, dela part de Rammstein, c'est cette capacité à montrer sa fragilité, à dévoiler ses faiblesses, à redevenir humain sans se cacher derrière un mur de son. Till Lindemann se montre parfois "à nu", sa voix adoptant des accents étonnamment émouvants. Il s'expose en premier plan sur le "Ein Lied" final, acoustique et délicat. Il demeure excessivement sobre sur le délicat "Stirb Nicht Vor Mir", et à l'inverse, sa voix ultragrave imprime une atmosphère étrange à "Wo Bist Du", qui accueille sur son intro un hautbois inédit. Le groupe dans son entier offre une ambiance atmosphérique et émotionnelle à "Hilf Mir" (quel bon riff saccadé !). Enfin, la basse d'Oliver Riedel s'exprime souvent seule, préparant calmement le terrain aux refrains, point fort habituel de Rammstein. "Mann Gegen Mann" est, à ce titre, particulièrement surprenant, avec des sonorités presque "drum n' bass" innatendues.
Tout semble, ainsi, indiquer, que Rammstein a accepté de se livrer tel qu'il est aujourd'hui, avec ses forces et surtout ses faiblesses. Ceci nous donne un album vrai, qui, s'il n'est pas aussi tranchant ou accrocheur que ses prédécesseurs, n'en possède pas moins une âme et une humanité finalement assez réjouissantes pour un groupe de ce calibre. Seul l'avenir nous dira si "Rosenrot" était juste un coup de blues, ou bien le début de la fin d'un groupe arrivé au bout de son concept et de l'interaction de ses membres.