Chers élèves, veuillez sortir vos manuels d'histoire... ;-D
Le groupe brésilien Sepultura a connu un incontestable âge d'or durant quatre albums, de 1989 à 1996. La formation basique et fortements inspirée de ses maîtres, de Venom à Slayer, aura mis trois démos / albums à trouver sa personnalité : Bestial Devastation (1985), Morbid Visions (1986) et Schizophrenia (1987). Il faut dire que jouer du métal au Brésil n'était pas chose courante à l'époque et que les modèles manquaient un peu à l'appel ! C'est une formation transformée que l'on retrouve en 1989 sur "Beneath The Remains", implacable album de thrash-death aux hymnes imparables : "Beneath The Remains", "Inner Self", "Mass Hypnosis"...
Mes goûts personnels m'amènent à dater à 1991 l'apogée du groupe, avec "Arise", formidable machine à mixer du thrash, de l'adrénaline, de la mélodie, de la technique, le tout sur des structures de morceaux relativement "progressives". Ecoutez donc les machines à secouer la tête que constituent "Arise" et surtout "Dead Embryonic Cells", avec son break en aller-retours !
"Chaos A.D", en 1993, représente un pas en avant dans la simplification et dans la modernité, le tout dans deux directions simultanées : la musique tribale et traditionnelle brésilienne, avec "Kaiowas" et quelques percussions typiques ; une efficacité et une froideur à mi-chemin entre le hardcore et l'indus ("Refuse / Resist", "Biotech Is Godzilla"... ). "Roots", en 1996, constituera le testament et le sommet commercial du Sepultura première génération. Le son monstrueux du duo Ross Robinson - Andy Wallace sert magistralement des compos d'un style réellement original, une sorte de néo métal tribal hypnotique et dévastateur ("Roots Bloody Roots", "Cut-Throat", "Ratamahatta"...).
Puis Max Cavalera quitte le groupe, et plus rien ne sera jamais pareil... Pensez donc, le gros Max cumulait les postes de chanteur, de guitariste rythmique, de compositeur principal, et même de mari de la manageuse du groupe, Gloria Bujnowski... Essayez d'imaginer
Metallica sans James Hetfield, et vous comprendrez aisément le mal qu'un tel départ peut causer à un groupe !
Si Max Cavalera a continué à se montrer assez aventureux au sein de son nouveau projet "Soulfly", et ce malgré ses quatre pauvres cordes de guitare ( ! ), il n'en sera pas de même de ses ex-collègues de Sepultura, son frère Igor, le désormais seul guitariste Andreas Kisser, le bassiste Paulo Xisto Jr., et le nouveau chanteur noir-américain Derrick Green.
Ces derniers auront réussi à prouver sur "Against", en 1998, que Max n'était pas le seul dépositaire du son Sepultura. Malheureusement, "Nation", en 2001, et "Roorback", en 2003, n'ont pas amené grand chose de plus au concept de départ, si ce n'est une persistance dans la voie hardcore au détriment des aspects caractéristiques de Sepultura. De plus, le nouveau vocaliste Derrick Green s'est avéré nettement moins intense et charismatique que son prédecesseur, surtout sur scène, ce qui n'a pas aidé à maintenir la réputation du groupe.
Pour ne rien vous cacher, c'est uniquement l'annonce d'un concept album inspiré de "La Divine Comédie" de Dante Aligheri qui m'a amené à me pencher sur ce nouveau Sepultura, découragé que j'étais des dernières productions, et alléché par l'espoir d'un véritable renouveau.
Et pourtant, j'avoue que j'ai déchanté dès la première écoute... Car de révolution, il n'y en a pas vraiment sur ce Dante XXI ; tout au plus peut-on relever un (petit) travail sur les ambiances, avec quelques cuivres sur "False", des voix trafiquées sur "Intro N°4", un ensemble de cordes sur "Intro N°2" et "Ostia". Seul le final "Still Flame" se montre réellement aventureux, avec ses percussions maghrébines, son chant un peu tribal et son atmosphère assez "ambient". A part cela, c'est plutôt un retour aux sources que l'on constate, avec des moments musicaux tout droit sortis des "années Max" : "Dark Wood Of Error", avec son intro à la "Chaos A.D" et sa rythmique death à la "Beneath The Remains", ou encore le très speed "Convicted In Life" et ses aller-retours ravageurs..
Pour tout dire, si l'on est pas prévenu de l'aspect littéraire du sujet, la musique ne nous donne que peu d'occasions de nous situer spontanément dans un concept album digne de ce nom. La durée (courte) des titres m'avait mis la puce à l'oreille, et le voyage, dans cette chronologie, de l'Enfer au Paradis, en passant par le Purgatoire, est, à mon humble avis, trop vite expédié pour répondre à toutes les attentes...
A qui peut bien faire peur Sepultura aujourd'hui ? Pas à la vague death mélodique de Göteborg (In Flames, Soilwork, Dark Tranquility), au son plus moderne et aux mélodies plus accrocheuses, en tout cas. Pas aux vétérans du death, Obituary, plus percutants dans le bourrinage en règle. Pas non plus à un Strapping Young Lad, plus déjanté et soutenu par la batterie de Gene Hoglan, bien plus marquante que le succédané proposé en 2006 par Igor Cavalera (qui vient d'ailleurs d'annoncer qu'il prend un recul momentané !) : comment ne pas être déçu devant le manque d'inspiration de ses parties "solo" sur "Convicted In Life" et "Repeating The Horror", quand on se remémore sa frénésie passée ? Le positionnement actuel de Sepultura me laisse, personnellement, bien dubitatif...
Dommage pour ce groupe qui aura, on ne pourra lui enlever, marqué l'histoire du métal des années 90, mais il semble que l'impression généralement ressentie lors de ses concerts (un gros écart dans l'accueil public des titres anciens ou récents !) se confirme une nouvelle fois sur disque...