Quelle tenue de scène ce soir ? - (de la subjectivité du goût musical)
 

Nous ne surprendrons personne en affirmant que la musique est, avant tout, une question de son et d'audition. Pourtant, le métal n'a, dans son immense majorité, pas vocation à demeurer uniquement confiné dans le cadre d'un disque : il va être amené à être joué sur scène, lieu où il donne la pleine mesure de sa force. C'est la raison pour laquelle tout musicien « live » est rapidement confronté à la question de l'image et à la problématique suivante :

Doit-il choisir une tenue de scène élaborée et proposer un vrai spectacle visuel, ou simplement rester lui-même et privilégier, ,justement, la musique et sa spontanéité à une mise en scène trop travaillée ?

La scène est-elle le lieu en lequel on peut tout se permettre au nom du spectacle, ou doit-elle, au contraire, amener les artistes à se présenter au public dans leur simple vérité ?


En effet, le rock et le métal sont des musiques qui comportent, parmi leurs composantes, les notions d'énergie, d'authenticité et d'indépendance de pensée. C'est pourquoi de nombreux groupes choisiront de se présenter sur scène comme à la ville, sans artifice ni effort vestimentaire particuliers. La musique doit figurer en première place, elle se suffit à elle-même et ne mérite pas que des parasites visuels viennent la « cannibaliser » : « Ma musique est le reflet de ma personnalité, je mentirais au public si je me déguisais pour la lui jouer »…

Deux groupes reconnus proposent des variantes intéressantes de cette position. Tool prétend offrir un spectacle complet, enrichi de projections et de lumières travaillées : afin que de ne pas perturber la perception de ce tout, le chanteur Maynard James Keenan se produit, ainsi, à contre-jour durant la totalité des concerts, au risque que cette attitude passe pour un manque de respect vis-à-vis de l'auditoire le moins ouvert.



De même, pour que le public se concentre sur la musique et ne se focalise pas sur la personnalité et le visage des musiciens, les allumés de Slipknot affichent des masque horrifiques et des combinaisons, qui, par contre, produisent l'effet inverse ! A force de faire tant de mystère, une véritable curiosité s'est développée sur le visage des musiciens. De plus, Slipknot est au moins autant connu pour ses masques et son attitude scénique provocatrice que pour sa musique elle-même !



D'un autre côté, on pourra relever que le mode de vie « rock n'roll » est, d'une certaine façon, un moyen de rejeter les codes et les carcans de la société : une totale décontraction pourra être comprise comme une réaction aux normes vestimentaires et à l'obligation de « se faire chic » en certaines circonstances.
Le mouvement grunge du début des années 90 (Nirvana…) a représenté l'exemple parfait de cette attitude : de jeunes musiciens, pas en phase avec leur société, ont voulu montrer qu'on pouvait jouer de la musique sans beaucoup de technique, tout en proposant une « non-image », ou plutôt un « refus de l'image », matérialisé par des vêtements assez nihilistes, jeans troués et chemises de bûcherons informes en tête.



La volonté de réagir contre les groupes de poseurs vénérés par MTV et contre la tendance à la démonstration technique des guitaristes de métal était louable. Toutefois, l'effet de masse, la récupération et le non-renouvellement du grunge ont, paradoxalement, conduit cette attitude destructrice et ce « non-look » à devenir eux-mêmes, à leur tour, une nouvelle norme et un véritable cliché ! Un coup pour rien, donc…

En fait, dans la plupart des cas, la généralisation d'un « look » devient vite un cliché qui fait perdre tout son sens à l'idée de départ. L'attitude black métal, les visages maquillés et le sang craché n'effraient, ainsi, plus personne. Alors que les premiers groupes du genre choquaient par leur apparence et faisaient passer un vrai message, il est maintenant délicat de distinguer le pur sataniste de l'opportuniste suiveur. En l'occurrence, ne serait-il pas plus marquant et rebelle de jouer du black métal « en civil » que d'en adopter la panoplie obligée ?!

Mais revenons à notre idée de départ , qui était le refus de toute tenue de scène. L'exemple du grunge est révélateur du danger qui guette les musiciens prétendant ne pas accorder d'importance à leur image.
Par opposition au costard cravate institutionnel et à la coupe de premier de la classe, le jean, le blouson de cuir, le t-shirt et les cheveux longs ont longtemps été perçus comme une façon de se démarquer et d'assumer sa liberté. Les groupes qui choisissent cette option prennent un double risque : celui d ‘endosser un nouvel uniforme, et celui de passer à côté de l'apport visuel qu'un spectacle vivant peut proposer : respecter son public, n'est-ce pas, d'abord, faire un effort de présentation visuelle autant que sonique ? Les concerts ne se déroulent pas dans le noir, il est donc hypocrite de prétendre que l'image n'a aucune importance.

Certains groupes poussent cette affirmation à son paroxysme et veillent à proposer de vrais spectacles visuels lors de leurs concerts. L'exemple actuel parfait en est Rammstein, qui offre une débauche d'effets pyrotechniques, de costumes et d'accessoires étranges à chacune de ses prestations pour un résultat extra-ordinaire.



Kiss a également donné, en son temps, dans le gros budget, avec ses maquillages (qui lui ont d'ailleurs valu de belles polémiques lors de leur abandon), ses tenues de scène délirantes, ses effets visuels et ses basses en forme de hache !



AC/DC répète à l'envi sa bonne vieille recette de la tenue d'écolier et des strip-teases du guitariste Angus Young, des batteries de canons sur « For Those About To Rock », de la grosse femme gonflable sur « Whole Lotta Rosie », de la cloche sur « Hell's Bells », etc…



N'oublions pas le provocateur Marylin Manson et son inspirateur Alice Cooper, ainsi qu'un groupe plus méconnu, In Extremo (folk métal médiéval) qui étonne, lui, par ses tenues d'époques, ses jongleurs et ses cracheurs de feu, tandis que Rhapsody prône le glaive, la chemise à jabot, et que Manowar ose le cuir, les muscles et les grosses motos !

L'image prend-elle parfois le pas sur la musique ?

C'est, effectivement, le risque pris par tous les groupes de pur « entertainment » qui multiplient les chances de détourner l'attention de leur auditoire d'une écoute attentive. N'oublions pas l'exemple des groupes de glam et de « hair métal » des années 80-90 (Mötley Crüe, Poison, Warrant, Europe…) qui étaient plus souvent remarqués pour leurs brushings, leurs maquillages, leurs foulards, leurs poses et les jolies filles qui peuplaient leurs clips que pour la qualité intrinsèque de leur musique (même si celle-ci en possédait indéniablement) !



Nous voyons donc qu'il délicat de trouver le juste milieu entre le respect du public, du spectacle, et la place laissée à la musique et à l'honnêteté intellectuelle. Au risque de nous répéter, nous citerons une nouvelle fois en exemple les Suédois de Freak Kitchen, qui nous semblent allier idéalement toutes ces qualités sur une scène - Lire la chronique de leur dernier concert.

 
par Mitch
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