Metallica - Que justice soit faite ! - (Joel McIver / Camion Blanc Editions / 2005)
 
 
Alors, reprenons notre petit Metallica illustré…
Nos « Cliff'em All », « Un an et demi de la vie de Metallica I et II », « VH1 - Classic Albums » et « Some Kind Of Monster » sont usés jusqu'à la trame ?
Qu'à cela ne tienne, voici, pour changer du format vidéo, un bouquin remarquable qui va nous permettre de parfaire notre culture Metallica !

Attention, rien ne nous sera épargné, on revivra les périodes d'euphorie et de fraîcheur des premières années, l'explosion du « Black Album », mais aussi les heures sombres du décès de Cliff Burton et ses conséquences psychologiques à long terme (n'est-ce pas, Mister Newsted…), la polémique de l'affaire Napster, les excès des musiciens (alcool, dope), les coups bas lors de l'éviction de Ron Mc Govney puis celle de Dave Mustaine, je vous dis, tout ce qui est à savoir sur Metallica, flatteur ou pas, se trouve dans cet ouvrage !

Celui-ci mérite d'ailleurs, sans aucun doute, de devenir une référence parmi les entreprises de connaissance et de compréhension de Metallica.


En effet, au travers de ses 550 pages, il vise trois objectifs complémentaires qui lui éviteront de demeurer purement descriptif et chronologique :

• Avant tout, proposer un historique très précis du groupe, depuis l'enfance de ses membres fondateurs, jusqu'à la sortie du controversé « St Anger » en 2003. Pour ce faire, il s'appuie sur un nombre remarquable de faits, de chiffres, d'anecdotes croustillantes et parfois inédites, et d'interviews de personnalités ayant cotoyé le groupe, ou bien prétendues « expertes » sur sa musique ou son époque (de Tom Araya à Max Cavalera, de King Diamond à Steve Harris, en passant par Lemmy Kilmister, Dave Mustaine ou Devin Townsend, pour les plus connus…).

• Porter un regard analytique et critique sur la carrière de Metallica. Au travers du déroulé des grandes et petites dates du groupe, l'auteur recentre régulièrement le débat en s'interrogeant sur les grandes idées reçues qui circulent sur Metallica : en plus de jeter un oeil critique sur le groupe, il liste, au fil des pages, treize « mythes », ces affirmations qui circulent dans l'inconscient collectif du métal et qui prêtent volontiers à débat : « Metallica est le premier groupe de thrash métal de l'histoire », « Lars et James régentent Metallica, et ils l'ont toujours fait », « Master Of Puppets est le plus grand album de thrash métal de tous les temps », « L'accident de Ljungby (ndr – ayant causé la mort du bassiste Cliff Burton en 1986) fut causé par une plaque de verglas », ou encore « Le Black Album a changé l'histoire du métal ».

• Agir avec un grand souci d'objectivité, en évitant les opinions partisanes et non argumentées.

Après vous avoir avoué que la lecture de ce livre a globalement enthousiasmé et surpris le fan et connaisseur de Metallica que prétend être votre serviteur ( ! ), tentons à notre tour d'évaluer dans quelle mesure ces trois objectifs hautement louables ont été atteints ! Pour ce qui est de l'historique, tout d'abord, aucun souci ! Joel McIver se montre réellement exhaustif, sa culture de journaliste musical couplé à un fan hardcore de Metallica lui permet d'aller plus loin que les précédentes parutions du genre.

Les premières années du groupe (1981-1983) et l'adolescence de ses membres sont explorées dans les moindres détails et anecdotes, tout au long des deux cents premières pages. Si le lecteur peut, parfois, se demander à quel moment l'histoire va enfin « démarrer » (l'enregistrement de « Kill'Em All », premier album du groupe, n'arrive qu'à la page 193 !), l'auteur assume ce « déséquilibre » et l'explique même de la façon suivante. Tout d'abord, la deuxième décennie du groupe (après 1991 et le « Black Album » ) s'est montrée moins intense, avec beaucoup de tournées et d'années « off », et une production discographique moins marquante. De plus, et surtout, ces fameuses deux cents pages lui donnent l'occasion de décrire de façon remarquable le contexte musical « fin 70 - début 80 » (le « hair-métal », la « New Wave Of British Heavy Metal », les balbutiements du métal extrême aux USA, etc…). McIver prend le temps nécessaire pour expliquer quel environnement a généré le « monstre » Metallica, comment ses membres ont su interagir pour créer une alchimie rare, et pour quelles raisons sa musique a révolutionné, d'une certaine façon, le monde du métal.

En ce qui concerne le regard analytique, on pourra préciser que l'auteur s'interdit de se présenter en admirateur béat : il ose s'interroger avec recul sur chacune des décisions du groupe, n'hésitant pas à enfoncer ses membres quand il le juge nécessaire. En « démontant » depuis son premier jour le mode de fonctionnement interne de Metallica, en proposant toujours plusieurs avis éclairés sur chaque point sensible du groupe, il nous amène imperceptiblement à « comprendre » le vrai Metallica, à le situer parfaitement dans les enjeux de son époque. Ainsi, au travers de nombreuses interviews de personnalités plus ou moins liées au groupe, McIver nous amène à dégager notre propre avis sur les questions : il propose souvent un faisceau d'opinions différentes qui, une fois synthétisées, nous rapprochent certainement de la vérité. On éprouve, ainsi, l'impression d'avoir toutes les cartes en main pour juger chacun des « mythes » évoqués, et respecter ou pas telle attitude des musiciens, en bonne connaissance de cause.

La mesure de l'auteur est, ainsi, à noter, sur les sujets « Napster » ou « l'historique du thrash métal », sur lequel il envisage chaque son de cloche et chaque angle d'attaque possible de l'événement. Elle l'est franchement moins sur ses louanges inconditionnelles à « Master Of Puppets » (que je partage néanmoins sur le fond !) et son dégoût de « Load » et « Reload », qui tiennent plus d'opinions partisanes, personnelles et subjectives que de démonstrations argumentées. On sent que notre ami est un amateur invétéré de thrash 80's, et qu'il ne prend pas la peine de nuancer son propos pour relever les points positifs des deux « Loads », qui auront au moins prouvé la polyvalence et la capacité artistique à se frotter à différentes ambiances de nos quatre Horsemen.

Pourtant, en termes d'objectivité, Joel McIver semblait avoir pris ses précautions en se refusant à proposer une « biographie autorisée » du groupe. En se soumettant au regard du groupe et de son management, il aurait, d'une certaine manière, perdu sa liberté de ton et d'expression. Il parvient pourtant ici à s'avérer suffisamment pointu et documenté, même sans être en prise directe avec les Hetfield-Ulrich-Hammett and co. Mais on pourra aisément lui pardonner ces brefs accès de subjectivité : ne fallait-il pas être un fan absolu pour avoir le courage de réaliser un ouvrage aussi pointu et de si longue haleine ?

En tout cas, dans l'ensemble, on ne peut que sortir grandi d'une telle lecture, au cours de laquelle on rebondit d'information essentielle en questionnement pertinent sur ce groupe passionnant qu'est Metallica. Encore faut-il, néanmoins, être assez fan ou curieux du groupe pour ne pas relâcher son attention tout au long de cette œuvre fleuve qui ne nous cache (presque) rien d'une histoire complexe de plus de vingt ans.
 
 
par Mitch
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