Que la tentation pourrait être grande d'attaquer cette chronique à l'identique de celle du « No Gravity » de
Kiko Loureiro : « L'album solo du guitariste d'une formation réputée, un disque instrumental, etc, etc… » !
Pourtant, ce premier album solo de John Petrucci mérite bien mieux que cela : en vérité, c'est une vraie boucherie !
Le guitariste de
Dream Theater, groupe leader incontesté du métal progressif, nous offre ici huit morceaux d'une rare intensité, qui séduiront les fans de Dream Theater et rebuteront ses détracteurs pour les mêmes raisons : les titres sont longs (souvent entre 6 et 11 minutes), démonstratifs, techniques et frénétiques. De même, on reconnaît le style de John Petrucci dès la première note du riff d'intro sous-accordé de « Jaws Of Life », et tout au long de ce disque dédié au culte de la guitare (pas de claviers ici !) : n'oublions pas que Petrucci est le principal compositeur et l'unique guitariste de Dream Theater, il est donc bien normal que l'on retrouve sa patte et ses plans tordus sur son propre disque.
« Suspended Animation » est-il donc une simple entreprise de recyclage des riffs laissés de côté par D.T ?
Eh bien, non, cent fois non ! Ainsi, les titres sont remarquablement bien construits et développés, si bien que leur longue durée passe complètement inaperçue à l'écoute, pour peu qu'on soit un peu familier avec le monde du prog'. John Petrucci réussit la gageure de rendre passionnants des morceaux sans chant autour du seul ensemble guitares - basse - batterie.
Ceux-ci se montrent assez variés, empruntant leurs influences à Liquid Tension Experiment (un solo de guitare seulement soutenu par une excellent basse sur « Jaws Of Life »), aux classiques de Joe Satriani (le cool et mélodique « Glasgow Kiss », les trois premières minutes de « Curve »), ou, bien sûr aux plans les plus techniques de Dream Theater (« Animate-Inanimate »). Ils n'hésitent pas à s'aventurer sur les terres du boogie-hard qui fait taper du pied (la fin de « Damage Control »), des expérimentations aventureuses (les loops presque techno sur l'intro de « Tunnel Vison »), ni même du jazz-blues avec « Lost Without You», titre torride qui monte en intensité et propose un délicieux solo de basse : Petrucci sort quand même de l'école de Berklee, cette influence devait bien ressortir à un moment ou un autre !
Pour terminer, notons qu'un musicien de la trempe et de la pertinence de John Petrucci n'a pas à choisir entre la technique et l'émotion, car il est justement capable de mettre la technique au service de l'émotion. De même, nul besoin pour lui de faire l'étalage de la totalité de ses techniques, sons et influences, pour réaliser un très bon album : c'est ça, la grande classe !