Le contenant n'est pas toujours révélateur du contenu... C'est, en tout cas, ce que l'on a pu se dire à l'issue de cette soirée en compagnie des suédois de Pain Of Salvation, dans un lieu assez inédit pour les concerts métal lyonnais ! En effet, la Salle Victor Hugo ne ressemble en rien aux salles de concerts rock habituelles, puisqu'elle n'est autre qu'un théâtre, avec scène creusée dans le fronton, et rangées de sièges en velours rouge ! Il n'est nul besoin de vous décrire la surprise du public et l'atmosphère circonspecte qui rêgnait au début, la position assise dans des sièges confortables et l'ambiance feutrée et " cosy " n'incitant pas aux débordements d'enthousiasme.
De plus, on apprend bientôt de bouche bien informée que le concert a bien failli ne pas avoir lieu : des problèmes techniques de compatibilité du matériel ont manqué de provoquer l'annulation pure et simple du set.
Du coup, la première partie (
Dark Suns, le
Opeth allemand !) est supprimée, et en compensation, Pain of Salvation jouera un peu plus longtemps que prévu !
C'est donc avec un peu de retard sur l'horaire initial que les cinq de Pain Of Salvation prennent possession de la scène, la batterie de Johan Langell au fond à gauche, le clavier de Fredrik Hermansson au fond à droite, Kristoffer Gildenlöw, Daniel Gildenlöw (tout de blanc vêtu) et Johan Hallgren face au public, encadrés par des linges blancs tendus verticalement, un drap plus large en guise d'écran géant, et un revérbère très "municipal". Des films seront projetés sur l'écran tout au long du show, des extraits du DVD de "BE" (
cliquez ici pour lire la chronique) , des clips du groupe, ou encore des images étranges illustrant les divers morceaux. Les lumières seront assez minimalistes, salle oblige, mais pas gênantes tant l'attention du public sera attirée par le spectacle musical et visuel ahurissant proposé !
En effet, une fois la période de latence du premier morceau passée, une partie du public va se lever et se rendre en bord de scène, aux pieds du groupe, alors que le reste de l'assistance, même les personnes les plus confortablement assises au fond de la salle, va s'avérer participer très bruyamment : on est entre connaisseurs, ce soir ! Il faut dire que le spectacle mérite des manifestations appuyées : rassuré par la réaction du public, le groupe se donne à fond et enchaîne un tour d'horizon exceptionnel de sa carrière, piochant allègrement dans sa déjà riche discographie, n'épargnant même pas son "Entropia" fondateur (1997). Le son s'avère excellent, les musiciens vivent pleinement leurs morceaux, et il est particulièrement impressionnant de voir avec quelle facilité les titres les plus complexes sont restitués. Par complexité, nous ne parlons pas forcément ici de virtuosité (quoique !), mais plutôt de la variété et de la recherche des arrangements et des diverses parties instrumentales et vocales : définitivement, P.O.S ne ressemble à aucun autre groupe ! Les cinq suédois méritent le titre de véritables artistes, de ceux qui créent leur univers propre et leur langage unique !
Daniel Gildenlöw est d'ailleurs le plus "énervant" des cinq, tant il excelle dans tout ce qu'il entreprend : ses rythmiques électriques sont implacables, ses solos techniques et bourrés de feeling, son jeu acoustique envoûtant, et sa voix... sa voix ! Encore plus juste et poignante que sur disque, que ce soit dans les montées suraiguës comme dans les monologues rageurs ! Cerise sur le gâteau, Kristoffer Gildenlöw et Johan Hallgren jouent les choristes de génie en complétant les harmonies complexes avec grand brio. Le "tube" "Ashes", évidemment attendu, ne sera même pas le point culminant du concert, tant il est bien entouré de morceaux également intenses, un "Used" à la fois brutal et émotionnel, un "Deus Nova" alarmiste quant à la surpopulation terrienne, un "Imago (Hominus Partus)" folk et médiéval à souhait, ou encore un "Ending Theme" surpuissant.
Non, le moment fort sera celui de "Dea Pecuniae", fort adapté à ce contexte théâtral, avec un Daniel Gildenlöw habité dans le rôle du playboy décadent, avec lunettes noires et costard. Daniel "vit" réellement ce personnage, bien aidé, il est vrai, par la créature bustée qui se frotte à lui durant son solo de rock star ! (à voir dans la section photos :o)
Vous aurez compris, je pense, tout le plaisir que nous avons pris lors de ce concert. Si l'ambiance s'est avérée forcément différente de celle des concerts métal traditionnels, elle a bénéficié, par ailleurs, d'un petit côté unique et décalé induit par ce lieu inhabituel. Pour le reste, la musique de P.O.S s'est montrée plus qu'à la hauteur, les titres tirés de "BE" ne souffrant même pas d'une absence de l'orchestre classique, compensée par des samples judicieux.
Lors de sa première partie de
Dream Theater au Zénith de Paris en 2002 (tournée "Six Degrees Of Inner Turbulence"), nous avions pressenti tout le potentiel scénique dont bénéficiait ce groupe, pour peu qu'on lui donne le temps et les moyens d'une tête d'affiche : c'est maintenant chose faite, et bien faite !
Si vous souhaitez voir d'autres photos de ce concert -
cliquez ici